Pierre MERLIN
Le plan "Universités troisième millénaire"
rapport introductif au débat
Paris, 22 janvier 2001

Le nouveau plan de constructions universitaires, " Université Troisième Millénaire ", annoncé en 1997 par le ministre Claude ALLEGRE, entre dans sa phase opérationnelle. Au même moment, le gouvernement se prépare à approuver le " schéma de services collectifs de l’enseignement supérieur et de la recherche " établi pour la période 2000-2020, qui rassemble notamment les projets retenus dans le cadre des nouveaux contrats de plan (2000-2006), mais trace une vision à plus long terme. Ces plans doivent être d’abord resitués dans le cadre du plan " Universités 2000 " (1991-1995) qui avait marqué un renouveau spectaculaire des constructions universitaires et par rapport aux attentes qui avaient fait l’objet d’une précédente réunion-débat organisée par QSF ("Que devrait être le programme Universités troisième millénaire ?", rapport introductif de Pierre Merlin, in Bulletin de l’Association Qualité de la Science Française, n° 2, mai 1998, pp. 3-37).

I – RAPPEL DU BILAN DU PLAN " UNIVERSITÉS 2000 " ET DU XIe PLAN

Après une décennie de constructions universitaires médiocres, sous la pression de la croissance des effectif (les années 1960), puis deux décennies d’interruption quasi-totale des constructions, le plan Universités 2.000 a opportunément donné un ballon d’oxygène, en termes de locaux, aux universités françaises, à une époque où les effectifs croissaient à nouveau rapidement. Ila couvert la période 1991-1995 (en fait, certains projets n’ont été menés qu’au-delà de cette date). Cet effort a été prolongé, à un rythme quelque peu ralenti cependant, dans le cadre de la fin du XIe plan (1994-1998, prolongé en 1999). Au total, 40,1 milliards de francs ont été mobilisés, dont 32,2 dans le cadre du plan Universités 2.000 et 7,9 milliards d’opérations nouvelles du XIe plan. Un peu plus de la moitié (50,6 %) de ces financements ont été apportés par l‘Etat et près de la moitié par les collectivités territoriales, de façon cependant très différente selon les régions (l’Ile-de-France ne faisant pas l’objet du même engagement des collectivités que les autres régions). Environ 3,8 millions de mètres carrés ont été livrés de 1991 à 1999 dans le cadre de ces financements.

Parallèlement, le plan quinquennal (1990-1994) de construction de logements étudiants, dit plan Jospin, a prévu la réalisation de 30.000 logements, financés par des prêts locatifs aidés (PLA), objectif qui a été légèrement dépassé (31.000 studios construits). Ce plan, très ambitieux par rapport au désengagement des années 1970 et 1980 (quelques milliers de logements construits en vingt ans, voire moins de 200 certaines années à la fin de la décennie 1970) a seulement permis, face à la croissance rapide des effectifs, de maintenir la proportion (10 % environ) des étudiants logés dans un logement institutionnel (dont 7 % dans les logements gérés par les CROUS). Cet effort n’a malheureusement pas été poursuivi par les gouvernements suivants, qui ont semblé se satisfaire des programmes lancés par des promoteurs avec le bénéfice des aides fiscales consenties aux investisseurs, et qui ont supprimé le financement du logement étudiant par les mécanismes destinés au logement locatif social (PLA puis prêt à taux zéro).

Le bilan du plan " Universités 2000 " est sans doute très positif. On peut seulement regretter le ralentissement de l’effort financier pendant la seconde moitié de la décennie 1990 et surtout l’interruption, après 1995, des constructions de logements étudiants sur financements PLA. Une autre critique, qui vaut pour les réalisations d’U 2000 comme pour celles qui ont suivi, est l’insuffisante prise en compte de la dimension urbanistique. Pierre Merlin, L’urbanisme universitaire à l’étranger et en France, Paris, Presses de l’ENPC, 1995, 416 pages). Des progrès certains ont été réalisés sur le plan architectural par rapport à la génération précédente de bâtiments universitaires (celle des années 1960), en partie grâce au relâchement des normes de coût trop contraignantes (Fixées par le " Référentiel des constructions universitaires ", 182 pages, et le " Guide d’utilisation " de ce référentiel, 21 pages, diffusés en septembre 1997 par le ministère de l’Education nationale, de la Recherche et de la Technologie, qui remplace et actualise le " système normatif de référence " de 1976. Il semble à cet égard que les opérations financées au moins en partie par les collectivités territoriales aient disposé, sur ce plan, d’un traitement plus favorable que celles qui n’ont été financées que par l’Etat).

II – LE CONTEXTE ET LES BESOINS EN 2000

1 – Le contexte législatif

La loi d’orientation pour l’aménagement et le développement du territoire du 4 février 1995, dite loi Pasqua, avait prévu un dispositif complexe de planification :

En fait, cette lourde mécanique n’a pas fonctionné. Seul un document préparatoire, extrêmement vague, au schéma national, a été discuté en CIAT. Les éléments fournis par les régions pour les schémas sectoriels faisaient apparaître de multiples incohérences.

Les dispositions de la loi du 4 février 1995 relatives au schéma sectoriel de l’enseignement supérieur et de la recherche ne manquaient pas d’inquiéter par leur irréalisme et leur manque de pertinence :

La loi Pasqua du 4 février 1995 a été corrigée et remplacée par la loi Voynet du 25 juin 1999, qui a le même objet (si ce n’est qu’elle mentionne le " développement durable du territoire ") :

En ce qui concerne le schéma de services collectifs relatif à l’enseignement supérieur et à la recherche (article 12), les dispositions contestables de la précédente loi sont " gommées ". La loi se limite à " évoquer une répartition équilibrée (…) sur le territoire national " et " une offre de formation complète, cohérente et de qualité à un niveau régional ou interrégional ". Elle laisse au schéma de services collectifs le soin de " définir les objectifs de répartition géographique des emplois de chercheurs, d’enseignants-chercheurs et d’ingénieurs participant à la recherche publique ". Enfin, la loi (article 13) stipule que " la carte des formations supérieures et de la recherche (prévue à l’article 19 de la loi Savary de 1984) doit être compatible avec les orientations du schéma de services collectifs ". Cette disposition, si elle était appliquée à la lettre, subordonnerait à ce schéma tant les habilitations nationales de diplômes et les créations de laboratoires de recherche que les projets de constructions universitaires, en particulier le plan U3M.

La mise en œuvre de la loi Voynet de 1999 semble meilleure que celle de la loi Pasqua de 1995. Les schémas de services collectifs, qui devaient être approuvés avant fin 1999 (délai au demeurant parfaitement irréaliste), ont certes pris du retard, mais la procédure est sur le point d’aboutir. En revanche, les contrats de plan Etat-régions n’ont pu contribuer à la mise en œuvre des schémas régionaux, puisque ceux-ci n’étaient pas élaborés lorsque, ces contrats ont été négociés en 1999, puis signés en 2000 (avec déjà un certain retard).

2 – Estimation des besoins

La croissance des effectifs étudiants s’est ralentie depuis 1995 et a même fait place, ces dernières années, à un léger recul. Est-ce à dire qu’il n’y a plus urgence à poursuivre une politique de constructions universitaires, dont on a vu qu’elle avait été ralentie à la fin du XIe plan (d’autant plus que le prolongement de celui-ci en 1999 s’est traduit par l’étalement sur trois ans des crédits prévus pour 1997-1998) ?

Ce n’est pas le cas si l’on considère que l’objectif de porter 80 % d’une classe d’âge au niveau du baccalauréat n’est pas encore atteint (62 % de la classe d’âge ont obtenu le baccalauréat en 2000) malgré le climat de laxisme qui entoure cet examen (le ministère multipliant les instructions visant à accroître la proportion de reçus et se félicitant publiquement des " records " battus chaque année). La stagnation récente des effectifs (- 2 % pour l’enseignement supérieur entre 1995-96 et 1999-2000, mais - 6 % pour les universités et + 11 % pour les IUT) a correspondu à la réduction de la fécondité à la fin des années 1970 (Ministère de l’Education nationale.- L’état de l’école, 30 indicateurs sur le système éducatif français.- Paris, octobre 2000.- 78 pages). Rien ne permet de penser qu’elle se prolongera. Bien que l’objectif des 80 % d’une classe d’âge au niveau du baccalauréat soit presque atteint (en comptant les bacheliers professionnels), il y a en fait une marge de croissance, qui proviendra surtout de l’extension des formations continues tout au long de la vie. En revanche, on peut s’attendre à une réduction des classes d’âge (10 % environ à l’horizon de 2020 du schéma de services collectifs), liée à la chute de la fécondité des années 1975 à 1995. En termes de locaux, si le taux de 80 % était atteint (grâce à la formation continue), sur la base de la moyenne actuelle de 10 mètres carrés par étudiant, cela correspondrait à environ 3 millions de mètres carrés pour l’enseignement supérieur (universités, IUT, IUFM, écoles normales et écoles d’ingénieurs comprises, mais hors classes préparatoires aux grandes écoles et sections de techniciens supérieurs).

Par ailleurs, la moyenne actuelle d’environ 10 mètres carrés par étudiant –qui correspond à une moyenne internationale, mais est sensiblement inférieure à celle des pays les plus développés- masque des inégalités importantes selon les disciplines et selon les types d’universités (15 m2 pour les établissements scientifiques et médicaux, 8 pour les universités pluridisciplinaires, à peine 4 pour les établissements de lettres-sciences humaines et droit-économie, dits " tertiaires ") auxquelles s’ajoutent des disparités au sein d’une même catégorie (par exemple, moins de 3 m2 par étudiant à Paris I, Paris II, Paris IV et Paris VIII contre 8 ou plus à Paris IX, à Strasbourg I ou Strasbourg II). Si l’on voulait ramener toutes les universités à la moyenne de leur catégorie, il faudrait construire près de 1,4 millions de m2 supplémentaires.

Enfin, le renouvellement des bâtiments a été fort peu assuré, même si 3 millions de m2 ont été restructurés au cours de la décennie1990. Si l’on retenait la norme habituelle de 1 % par an (qui ne tient pas compte du retard pris dans ce renouvellement), il faudrait construire (ou restructurer) à ce titre 150.000 m2 par an (3 millions de m2 d’ici 2020).

Au total, c’est donc entre 4,5 et 7,5 millions de mètres carrés (225.000 à 375.000 par an) qui sont nécessaires à l’horizon du schéma de services collectifs, soit 2020. C’est dire que le rythme de la décennie 1990 (380.000 m2 par an de constructions et 300.000 m2 de restructurations) a été exceptionnel, mais celui de la fin du XIe plan doit être dépassé.

Il faut ajouter que le plan U 2000 et le XIe plan ont privilégié les disciplines scientifiques et les écoles d’ingénieurs et (ou) les formations professionnalisées, qui n’étaient pas les plus mal loties. De même, U 2000 a privilégié –c’était une volonté de M. Allègre, sur laquelle il a changé de position par la suite- les constructions en campus ou dans des technopôles, eux-mêmes en général périphériques : environ la moitié du total construit. La politique officielle, affirmée lors du lancement du plan U3M, est heureusement de privilégier les opérations urbaines. Enfin, la région Ile-de-France, en partie parce que les projets y sont plus coûteux et plus difficiles à monter, en partie parce que les collectivités territoriales y étaient plus réticentes à participer au financement (elles semblent avoir évolué positivement depuis) a été désavantagée (les universités " tertiaires " de Paris-centre cumulant toutes les causes de désavantage).

Il y a donc un triple effort de rééquilibrage nécessaire, qui ne va pas de soi compte tenu des priorités des établissements et plus encore des collectivités territoriales qui participent au financement :

On a également reproché au plan U 2000 un effort insuffisant en faveur de la vie étudiante (logement, restaurants universitaires, sport, mais aussi bibliothèques) et en faveur de la recherche.

III – LES PROJETS U3M ET LE SCHÉMA DE SERVICES COLLECTIFS

1 – Les objectifs du plan U3M

Le plan U3M ne semble pas avoir fait l’objet de publication officielle, mais de multiples déclarations, pas toujours cohérentes. C’est en fait à travers les contrats de plan Etat-région qu’on peut prendre connaissance des projets qui doivent correspondre à ce plan, bien que leur horizon soit beaucoup plus proche (2006 au lieu de 2015 pour U3M). Ces contrats de plan ont été signés par l’Etat et les régions (et établis en concertation avec les principales collectivités territoriales et, pour l’enseignement supérieur et la recherche, avec les établissements d’enseignement supérieur). Paradoxalement, c’est une revue officiellement privée (qui est en fait souvent le porte-parole officieux du ministère) qui a établi la synthèse la plus lisible, en particulier pour l’Ile-de-France (Stéphane Merceron et Jean-Michel Catin "U3M en Ile–de-France", in Vie Universitaire, mars 2000, pp.26-31).

Les objectifs affichés du plan U3M (Ministère de l’Education nationale. Dossier d’information Enseignement supérieur, Bilan, Perspectives. Paris, janvier 2000, pp. 8-10 et 12-13) sont :

- ouvrir l’université au monde économique et technologique, ce qui implique de :

+ constituer des pôles dynamiques, notamment tournés vers la technologie, ce qui n’implique pas d’augmenter le nombre d’implantations universitaires, mais :

. de mettre en place dans les villes moyennes des plates-formes technologiques à partir des IUT, des STS et des formations technologiques des universités et des lycées technologiques et professionnels (quelques universités technologiques pourront cependant être créées) ;

. d’organiser les implantations d’enseignement supérieur en réseaux et d’ouvrir la recherche vers les entreprises, notamment dans le cadre d’une vingtaine de centres nationaux de recherche technologique à mettre en place à orientation thématique ;

+ moderniser les pôles de recherche :

. à partir d’équipes de recherche évaluées ;

. dans le cadre d’une carte nationale reposant sur quelques grands pôles ;

. en rationalisant les équipements de recherche autour de centres de ressources nationaux et en faisant émerger des priorités régionales autour de thèmes pluridisciplinaires ;

- améliorer la vie étudiante : un quart des crédits du plan U3M seront affectés à cet objectif (logement étudiant, restauration universitaire, équipements sportifs et culturels ouverts aux habitants du quartier, bibliothèques et salles de travail) ;

- rechercher une ouverture internationale (réservation de 15 % des constructions de logements et création de maisons internationales dans les grandes villes universitaires).

Les documents relatifs au plan U3M, bien que fort peu diserts, insistent également sur la nécessité de :

+ donner une priorité aux universités de l’Ile-de-France (on prévoit d’y affecter 20 milliards de crédits, dont 11 de l’Etat et, espérait-on, 9 des collectivités territoriales. L’apport des collectivités territoriales sera de 4,54 milliards (dont 2,547 de la région), soit plus que celui de l’Etat (3,839 milliards), pour le contrat de plan 2000-2006), en :

. structurant les sites actuels du quartier latin ;

. restructurant la recherche en sciences humaines autour de quelques " opérations phares " ;

. créant un nouveau pôle sur la ZAC Rive gauche (Tolbiac) avec relocalisation de Paris VII et de l’INALCO ;

. recherchant un rééquilibrage vers le nord autour d’un pôle universitaire dédié à la technologie (La Villette, plaine Saint-Denis-Aubervilliers) dit " Triangle Nord " ;

. créant un pôle de développement universitaire à Boulogne-Saint Cloud-Issy-les-Moulineaux ;

. rénovant le campus de Nanterre et étendant les surfaces de Paris VIII et Paris XII ;

. effectuant un effort particulier pour les bibliothèques universitaires et le logement étudiant ;

+ combler au moins partiellement le déficit des UFR de lettres et sciences humaines et restructurer ou reconstruire les bâtiments des UFR de santé dans une logique de proximité avec les CHU et les unités INSERM.

Ces projets ont le mérite d’être clairs. On peut s’interroger sur le réalisme du Triangle Nord, dont les éléments constitutifs paraissent bien ténus, et surtout sur l’opportunité du pôle Val de Seine, au contenu d’ailleurs très vague, qui ne ferait que renforcer les privilèges de l’ouest parisien. Mais ce projet constitue une vision spatiale d’ensemble qui fait cruellement défaut aux autres régions.

Le montant total des crédits attendus pour le plan U3M s’élève à 38 milliards d’autorisations de programme pour la période 2000-2006. La part de l’Etat sera de 14 milliards dans le cadre des contrats de plan Etat-régions, plus 7,5 milliards au titre de la sécurité et des grands travaux (Jussieu, Muséum, etc.). La contribution attendue des collectivités territoriales devrait donc être de 16,5 milliards, soit un peu plus que celle de l’Etat (hors enveloppe des travaux de sécurité). Au budget 2000 de l’Etat, avaient été inscrits 3,9 milliards d’autorisations de programme : près de 1,1 milliard de crédits pour la sécurité et la maintenance, près de 2 milliards pour les constructions et restructurations et plus de 0,8 milliards pour les opérations dites spécifiques (Jussieu, Muséum, Musée des Arts premiers quai Branly). Les crédits de paiement étaient cependant nettement plus modestes.

2 – Les options du schéma de services collectifs

Le schéma de services collectifs de l’enseignement supérieur et de la recherche a été établi sous l’égide de la DATAR et les services du ministère de l’Education nationale et du ministère de la Recherche. Ces travaux avaient été précédés de ceux du comité stratégique, présidé par M. Aubert, et de ceux des groupes de travail régionaux dans le cadre de la préparation du plan U3M. Il est en cohérence avec les contrats de plan Etat-régions, qui eux-mêmes intègrent les tranches régionales du plan U3M.

Le projet de schéma (Ministère de l’Education nationale, Ministère de la Recherche, DATAR.- Schéma de services collectifs de l’enseignement supérieur et de la recherche, automne 2000, 126 pages )comporte deux parties : les objectifs nationaux et une " déclinaison territoriale " (en fait par région) de ceux-ci.

La première partie (Objectifs nationaux) comporte, non parfois sans quelque redondance :

+ la bonne répartition sur le territoire national du système complexe d’enseignement supérieur (effectifs, sites, migrations étudiantes) ;

+ des conditions insatisfaisantes de vie et de travail des étudiants ;

+ une recherche publique concentrée sur quelques pôles de niveau international (ce que le schéma semble clairement regretter) ;

+ les défis de la construction européenne (harmonisation des diplômes, émergence de pôles scientifiques hors de Paris) et de la compétition internationale (nécessité de l’accueil d’étudiants étrangers, notamment européens) ;

. des populations étudiantes plus complexes et plus multiformes ;

+ le renouvellement démographique des corps d’enseignants et de chercheurs ;

+ la prise en compte de priorités scientifiques : sciences du vivant, sciences de l’information et de la communication, mais aussi environnement et énergie, sciences de la société (plus des secteurs particuliers comme les matériaux, les transports, l’espace) ;

+ la prise en compte des nouvelles technologies ;

+ une organisation plus cohérente de l’enseignement supérieur : on note dans ce passage quelques phrases sur le risque " de hiérarchiser le dispositif d’enseignement supérieur et de recherche autour de Paris et de quelques grandes métropoles ", mais aussi sur celui de " vouloir étendre l’offre de formation à l’ensemble du territoire (qui) aboutirait à la dispersion et à une dissémination inorganisée " et sur les " logiques d’isolement induites par certaines antennes" ; : le schéma préfère " développer les réseaux " et " structurer l’espace universitaire " ;

+ une recherche publique mieux coordonnée et mieux répartie :

. en renforçant les synergies entre les établissements supérieurs et de recherche ;

. en développant une stratégie de développement des pôles régionaux, ce qui exclut " une recherche de proximité au sens où existe un enseignement de proximité " ;

. en renforçant le rôle de l’Etat et la place de l’évaluation ;

+ la participation de l’enseignement supérieur et de la recherche au développement économique et social, en particulier à travers la création de centres nationaux de recherche technologique et en profitant des dispositions de la loi sur l’innovation et la recherche de 1999 qui facilite les liens des établissements avec les entreprises ;

+ l’amélioration des conditions de travail et de vie des étudiants et des personnels ;

+ une adaptation de l’enseignement supérieur aux nouvelles technologies éducatives ;

+ une adaptation de l’enseignement supérieur aux nouveaux publics (formation continue dans le cadre de formations longues validantes, validation des acquis professionnels, tutorat) ;

+ la mise en œuvre d’une politique de réseaux et la coopération entre établissements :

. avec la mise en place de RENATER II puis III ;

. y compris en sciences humaines grâce au réseau des maisons des sciences de l’homme ;

. dans la recherche technologique autour des CNRT ;

. au plan international grâce aux maisons internationales dédiées à un pays dans les grandes villes universitaires ;

.par une coopération et des rapprochements entre établissements par le biais des écoles doctorales, de GIP, de commissions de spécialistes communes, etc. ;

+ le développement des instruments de coopération entre l’enseignement supérieur, la recherche et le monde économique ;

+ une meilleure gestion des flux d’étudiants au sortir du baccalauréat avec pour objectifs de développer les DEUG scientifiques, de mieux accueillir les bacheliers technologiques en IUT et en STS (qui accueilleront aussi des bacheliers professionnels), de stabiliser et de rééquilibrer la carte des classes préparatoires ;

+ la mise en œuvre d’une gestion pluriannuelle des recrutements de chercheurs et d’enseignants-chercheurs.

La deuxième partie (" Déclinaison territoriale ") du schéma comporte un examen des propositions par grande région (outre l’Ile-de-France et les départements d’Outre-Mer, le schéma distingue le Nord, le Grand Est, le Grand Sud-Est, le Grand Sud-Ouest, le Grand Ouest et le Grand Bassin Parisien). Ce découpage est à peine justifié. Sauf la distinction de l’Ile de France du reste du Bassin Parisien, il reprend le découpage habituel de la DATAR. Mais celui-ci n’est pas nécessairement adapté à l’enseignement supérieur et à la recherche : il multiplie en effet les ensembles bipolaires, notamment le Grand Sud-Est avec Lyon et Aix-Marseille, et le Grand Sud-Ouest avec Bordeaux et Toulouse.

Il ne saurait être question de présenter ici en détail les choix retenus dans chaque région. On se limitera à évoquer, comme on l’a fait ci-dessus pour les projets d’U3M, le cas de l’Ile-de-France, puisque c’est là que, à l’évidence, les choix sont les plus délicats. En fait, le schéma de services collectifs ne fait que reprendre les propositions du plan U3M (et du contrat de plan Etat-région), ce qui fait apparaître une vision très imprécise de l’échéancier des projets de ce plan.

Dans les autres grands ensembles spatiaux, les projets présentés sont très vagues. L’analyse est le plus souvent menée successivement région par région. De même, les propositions sont présentées séparément pour chacune des régions. Elles ne font apparaître aucune volonté réelle de cette structuration de l’enseignement supérieur et de la recherche qui était pourtant présentée comme un impératif dans la première partie du schéma. On se limite à des phrases très générales du type : " Dans les pôles européens ou de taille européenne, comme Lyon, Grenoble, Aix-Marseille ou Montpellier, on poussera à une concertation systématique des universités de façon à limiter les concurrences stériles sur un même territoire ". Ce qui signifie en clair qu’on n’a pas tiré profit de l’opportunité exceptionnelle qu’offrait l’élaboration du contrat de plan, du plan U3M et du schéma de services collectifs pour mener cette concertation et qu’on n’envisage même pas une concertation entre ces grands sites pour limiter les concurrences entre eux. On pourrait multiplier à l’infini les citations de ce type qui soulignent le contraste entre les orientations et les propositions concrètes.

Enfin, le schéma de services collectifs se révèle très incomplet quant aux projets de construction, tant pour l’enseignement supérieur et la recherche que pour les équipements concernant la vie étudiante. Dans le meilleur des cas, on y trouve la liste des projets retenus par le contrat de plan Etat-région pour la période 2000-2006, qui ne peut constituer qu’une partie de celle du plan U3M qui couvre une période. Plus de deux fois plus longue. Ce n’est même pas le cas partout : cette information ne figure pas pour les ensembles du Nord et du Grand Sud-Est. Bien entendu, aucune indication de volume de construction ou de coût de celles-ci ne figure nulle part.

CONCLUSION

Le plan U3M intervient opportunément pour relancer l’effort de constructions universitaires, qui s’était un peu relâché pendant la fin du XIe plan. Les besoins liés au rattrapage du retard, notamment dans les universités " tertiaires ", au renouvellement de locaux souvent vétustes et inadaptés, sans parler d’une possible reprise de la croissance des effectifs, et les besoins spécifiques en matière de logements étudiants, de bibliothèques, etc. demeurent en effet importants.

L’élaboration du schéma de services collectifs a été l’occasion de préciser les objectifs. Globalement, ceux-ci paraissent correspondre aux besoins de l’enseignement supérieur et de la recherche. On a heureusement mis une sourdine au discours velléitaire d’une délocalisation forcenée, qui sous-tendait la loi Pasqua de 1995 et qui avait été modéré dans la loi Voynet de 1999. On peut apprécier positivement l’insistance sur la nécessité de constituer quelques grands pôles de recherche d’échelle européenne, qui s’oppose à la politique du saupoudrage dans les villes moyennes, et le rappel que la répartition territoriale de l’enseignement supérieur et celle de la recherche ne sont pas nécessairement les mêmes. Certes, on peut estimer que certains objectifs sont présentés de façon un peu incantatoire, par exemple la mise en réseaux ou la priorité à la technologie. Mais ce n’est pas là une contestation de ces objectifs.

On regrettera cependant que cet effort de planification demeure très vague au-delà des contrats de plan en cours (2000-2006) –et encore certains de ceux-ci, celui du Nord-Pas-de-Calais par exemple, sont peu précis- et que l’élaboration du schéma de services collectifs n’ait pas été l’occasion de préciser ces projets. On regrettera aussi l’écart souvent manifeste entre les objectifs et les listes d’opérations qui sont le plus souvent présentées région par région, voire université par université, sans qu’il y ait eu de réel effort pour définir une véritable politique universitaire à l’échelle des grands ensembles spatiaux, ni pour éviter des doubles emplois au sein de ceux-ci, voire à l’échelle des académies ou même des établissements. On peut également regretter que les projets présentés dans le schéma de services collectifs se limitent à la période des contrats de plan en cours et ne couvrent donc qu’environ le tiers de la période pour laquelle celui-ci avait pour objet de proposer une vision prospective. Même lorsque des projets concrets sont présentés, ils sont parfois un peu irréalistes (projet La Villette-Saint-Denis) ou flous (projet Val de Seine, qui d’ailleurs ne s’impose pas du point de vue d’une géographie volontaire de l’Ile-de-France).

En résumé, la volonté de réflexion quant aux objectifs dans un esprit prospectif ne semble pas avoir été relayée dans les régions où l’on est trop souvent demeuré dans une logique de juxtaposition de projets spécialisés et locaux qui trouvent tant bien que mal abri derrière les grands principes.

Il reste que le schéma de services collectifs ne fait aucune allusion aux aspects qualitatifs : la nécessité d’une architecture de qualité pour des bâtiments qui constitueront le plus important programme de bâtiments civils de ce début de siècle, et la nécessité d’une insertion dans la ville qui fasse rentrer l’université dans la ville et entrer la ville dans l’université.