Pierre Merlin
Le bilan de la réforme Bayrou
rapport introductif à la réunion-débat du 24 janvier 2000
Introduction
La réforme dite " Bayrou " a fait l’objet de l’arrêté
du 9 avril 1997 relatif au diplôme d’études universitaires générales,
à la licence et à la maîtrise. Elle fait suite à
la réforme dite " Jospin-Lang " (arrêté
du 26 mai 1992) qu’elle complète. L’arrêté de 1997, adopté
le jour même de l’avis donné par le CNESER après un débat
particulièrement long, a été mis en oeuvre par M. Allègre,
successeur de M. Bayrou. On soulignera la part importante prise par les élus
étudiants (en particulier lors de la séance d’avril 1997 du CNESER)
dans la conception et dans la rédaction même des textes relatifs
à cette réforme.
Il y a là une continuité a priori remarquable malgré les alternances politiques de cette période. L’objectif affiché par les responsables ministériels est d’améliorer " le rendement " de la machine universitaire, c’est-à-dire de réduire les taux d’échec, en particulier en premier cycle, tout en adaptant mieux les formations à un contexte en évolution, notamment par rapport aux perspectives d’insertion professionnelle future des étudiants.
La continuité ministérielle a été de pair avec un scepticisme certain dans de larges couches des milieux universitaires, vis-à-vis tant des chances de réussite que parfois de l’opportunité des mesures adoptées. Aujourd’hui encore, alors que (article 24 de l’arrêté du 9 avril 1997) certains aspects de la réforme -semestrialisation, réorientation en fin du premier semestre, compensation entre unités d’enseignement et capitalisation de celles-ci- ont été mis en place obligatoirement dès la rentrée 1997, et que l’ensemble des dispositions de la réforme devait être introduit au plus tard à l’occasion des réhabilitations de diplômes (qui devaient toutes intervenir au plus tard à la rentrée1999), les opinions les plus variées, souvent peu favorables, et des rumeurs diverses circulent à propos de la portée de cette réforme.
Le ministère avait pris l’engagement de mettre en place un " dispositif de suivi " de la réforme, associant le CNESER et la conférence des présidents d’université. De fait, un groupe de " suivi de la réforme " s’est réuni régulièrement, avec comme principale tâche d’identifier les dysfonctionnements ou les lenteurs dans la mise en place de la réforme et de suggérer aux responsables ministériels les interventions et recommandations nécessaires. Ce groupe de suivi devait tenir sa dernière réunion le 16 décembre 1999. Celle-ci a été reportée au 6, puis au 27 janvier 1999. D’après les responsables ministériels de l’animation de ce groupe de suivi, une synthèse surtout qualitative, plus qu’un véritable bilan de la mise en place de la réforme, doit être présentée à cette occasion.
C’est ce constat qui a conduit l’Association pour la Qualité de la Science Française (QSF) à organiser la présente réunion-débat sur ce thème.
Remarques méthodologiques
Devant la carence des informations disponibles sur ce sujet, QSF a dû organiser une enquête par questionnaire auprès des universités, plus précisément auprès des vice-présidents des conseils des études et de la vie universitaire (CEVU), les plus concernés par cette réforme et ayant une vision globale de leur université.
Le questionnaire s’est voulu aussi neutre que possible, reprenant, en les regroupant par thèmes, les principaux dispositifs prévus par l’arrêté.
Mais le questionnaire était long (72 questions réparties en 13 thèmes, plus une question libre appelant à des commentaires personnels). Il était difficile à remplir, d’une part en raison de la complexité et de la diversité des situations au sein d’un même établissement, d’autre part du fait du manque de recul par rapport à certains problèmes, enfin par la nature même de certaines questions qui demandaient une connaissance statistique des résultats pédagogiques dont toutes les universités ne disposent pas.
Malgré ces multiples difficultés, 17 établissements (16 universités et un Institut national polytechnique) ont répondu (dont une université -Bordeaux III- pour indiquer qu’elle ne pouvait remplir le questionnaire, parce qu’elle n’avait mis en oeuvre la réforme qu’à la rentrée 1999, mais qu’elle souhaitait être représentée à la réunion-débat, et une autre -Strasbourg III en adressant copie de sa réponse à l’enquête du comité de suivi). Ce résultat peut paraître modeste (un établissement sur cinq environ). Il a été supérieur à notre attente. Nous n’ignorions pas la surcharge des responsables des universités, la multiplicité des enquêtes auxquelles ils sont invités à répondre et les difficultés rappelées ci-dessus de notre propre enquête.
En outre, il est apparu que la distribution des universités ayant répondu recouvrait assez bien, tant géographiquement que surtout dans leur diversité disciplinaire, la gamme des universités françaises :
- six universités moyennes pluridisciplinaires (universités uniques dans leur ville universitaire : Angers, Avignon et pays du Vaucluse, Bretagne occidentale (Brest), Metz, Haute Alsace (Mulhouse), Jean Monnet (Saint-Etienne) ;
- huit universités de capitales régionales comportant plusieurs universités, avec une bonne représentativité des profils disciplinaires :
. sciences et techniques et sciences sociales (droit-économie) : Aix-Marseille III ;
. droit-économie : Strasbourg III ; ou droit-économie et et santé : Montpellier I ;
. lettres et sciences humaines : Montpellier III et Rennes II (Haute Bretagne) (plus Bordeaux III) ;
. sciences et techniques et disciplines de santé : Joseph Fourier (Grenoble I) et Paul Sabatier (Toulouse III) ;
- deux universités parisiennes assez différentes elles aussi :
. l’une très pluridisciplinaire, mais avec prédominance des sciences et des disciplines de santé et absence des sciences sociales (droit-économie) : Paris VII- Denis Diderot ;
. l’autre au contraire centrée sur les sciences sociales (droit-économie), les lettres et les sciences humaines : Paris X-Nanterre ;
- un Institut national polytechnique (Toulouse).
Du point de vue de la représentativité de cet échantillon, on peut seulement observer :
- l’absence de toute université nouvelle (créée dans les années 1990) ;
- un risque spontané de biais, les universités qui se sont davantage investies dans la mise en oeuvre de la réforme ayant peut-être eu tendance à répondre plus volontiers à une enquête sur ce thème ;
- une difficulté pour interpréter les non-réponses à certaines questions : traduisent-elles une non-application de la dispositions correspondante de l’arrêté ou une information insuffisante?
En tout cas, tout en comprenant les raisons qui ont pu conduire certaines universités à ne pas souhaiter répondre à cette enquête, nous tenons à remercier vivement les responsables de CEVU qui ont pris la peine de le faire et ceux qui sont venus à la présente réunion-débat.
La suite de ce rapport présentera les résultats du dépouillement, en suivant l’architecture du questionnaire qui, on l’a dit, reprend d’assez près la structure de l’arrêté. Sur chacun des treize thèmes distingués successivement, on rappellera brièvement les principales dispositions de l’arrêté, on analysera les réponses des universités et on terminera le cas échéant par un commentaire qui n’engage que le rédacteur du présent rapport. Ces trois aspects seront clairement distingués (les résultats de l’enquête étant toujours l’aspect le plus développé).
I - Accueil et orientation
Ce thème renvoie à l’article 13 de l’arrêté qui prévoit notamment " un dispositif d’information et de découverte " pour préparer l’orientation des lycéens, en y associant les étudiants.
Toutes les universités déclarent avoir mis en place un tel dispositif. Presque toutes font état de " journées portes ouvertes ". Plusieurs mentionnent leur participation à des forums ou à des salons organisés à cet effet. D’autres recourent à des réunions d’information, à des rencontres avec les étudiants, à des interventions d’enseignants dans les lycées.
La période d’accueil et d’information, explicitement prévue par l’arrêté, prend le plus souvent la forme de journées d’accueil, de réunions d’information. Il semble toutefois que cette période soit brève. Elle s’étend au maximum sur une semaine, mais le plus souvent n’implique la présence des nouveaux étudiants que pendant une journée environ, voire pour une seule séance. Ce " tutorat d’accueil " est assuré au sein de la bibliothèque universitaire à Metz. Trois universités seulement (Aix-Marseille III, Grenoble I et Saint-Etienne) mentionnent des entretiens individuels (obligatoires ou facultatifs selon les cas) avec les étudiants à cette occasion. La dimension " information " semble l’emporter sur la dimension " orientation ", soit qu’on estime les choix des étudiants déjà arrêtés, soit qu’on pense prématuré d’envisager à ce stade des réorientations.
Bien que l’arrêté prévoie de possibles conventions avec des organisations professionnelles ou interprofessionnelles d’employeurs ou de salariés dans le cadre des informations à donner sur les débouchés universitaires et professionnels des études envisagées, seules 5 universités (Avignon, Brest, Grenoble I, Mulhouse et Saint-Etienne) plus Rennes II qui répond " oui " sans préciser avec quelle organisation, ont passé une convention à cette fin, dans tous les cas avec l’APEC (Association pour l’emploi des cadres).
La commission spécifique pour l’accueil et l’amélioration des conditions d’études des étudiants handicapés, prévue au dernier alinéa de cet article 13 de l’arrêté, a été rarement mise en place (5 universités la signalent, mais parfois, par exemple à Metz, elle existait avant la réforme). Mais la plupart des universités disposent, d’une façon ou d’une autre, d’un dispositif pour ces étudiants : service spécialisé, tutorat adapté, horaires spécifiques pour les examens en particulier. Une (Brest) a passé une convention avec un organisme spécialisé, l’URAPEDA.
Mais on constate que, bien que la question de l’association des étudiants à ce dispositif d’information et de découverte n’ait pas été explicitement posée, aucune université n’en fait spontanément état.
Surtout, dans la grande majorité des universités, les dispositions actuellement en vigueur existaient avant la réforme Bayrou. Une seule indique les avoir mises en place après la publication de l’arrêté. 4 indiquent les avoir étendues, soit à de nouvelles composantes, soit par des dispositifs supplémentaires (convention avec l’APEC dans trois cas).
Finalement, il ne semble pas que la réforme ait beaucoup contribué à réduire l’immense fossé qui sépare les études secondaires d’études universitaires. Les dispositifs mis en place, éminemment souhaitables, demeurent notoirement insuffisants pour placer dans de bonnes conditions de réussite ceux des nouveaux étudiants dont les aptitudes les ont mal préparés à celles-ci.
II - Semestre d'orientation
Ce thème correspond aux quatre premiers alinéas l’article 6 de l’arrêté. Cet article précise que " ce semestre initial permet à chaque étudiant d’aborder, en situation universitaire, la ou les disciplines du DEUG (ou de la mention de DEUG) de son choix et de découvrir d’autres disciplines vers lesquelles il pourrait se réorienter ".
Il semble que la mise en oeuvre de cette disposition soit très inégale. Les universités, invitées à préciser les caractéristiques particulières, sur le plan pédagogique, qui distinguent ce semestre d’orientation des autres, renvoient soit au tutorat, soit à l’existence d’UE de découverte d’autres disciplines, soit à un certain allégement des enseignements, soit simplement à la possibilité administrative de réorientation en fin de semestre. Une d’entre elles (Angers) estime même que rien ne distingue ce semestre des autres. Cependant, Aix-Marseille III fait état de dispositifs précis : cours de recyclage en sciences, cours interdisciplinaires et encadrement renforcé avec contrôle continu sous forme d’interrogations périodiques. Grenoble I assure également des cours de recyclage. Montpellier III fait état d’un tronc commun important. Metz assure un semestre d’orientation court.
Les conventions entre établissements, évoquées par l’arrêté comme une possibilité pour la mise en place d’enseignements complémentaires au cours de ce semestre initial, sont rares : deux universités (Rennes II et Toulouse III) et l’INP de Toulouse, en mentionnent ainsi que Paris X avec des lycées pour des réorientations en BTS, Aix-Marseille III avec un IUT (en sciences sociales) et des lycées techniques et Grenoble I dans certaines disciplines. Certaines universités généralistes font observer que cela n’est pas nécessaire dans leur cas, les réorientations vers d’autres DEUG étant internes.
L’unité d’enseignement de " méthodologie du travail universitaire ", explicitement prévue par l’arrêté, est le plus souvent présentée comme organisée de façon très variable selon les secteurs de l’université, ce qui est somme toute compréhensible en particulier dans les universités très pluridisciplinaires, où un moule unique pour une telle unité d’enseignement n’aurait aucun sens. Certaines universités semblent cependant n’avoir pris aucune disposition en ce sens, se contentant de renvoyer aux TD ou TP ou de façon générale " aux enseignements ". Dans la plupart des autres, le contenu de cette unité n’est pas précisé. On signalera cependant :
. un enseignement renforcé de français, présenté dans ce cadre, à Paris VII ;
. une organisation (par groupes de 16 étudiants) et un contenu précis (documentation, projet, apprentissage et utilisation des langues étrangères en sciences) de cette unité à Toulouse III;
. une importance particulière apportée à cette unité à Montpellier III (qui a établi un " livret de l’enseignant " à cette fin) ;
. la mise en place d’un projet professionnel personnalisé à Metz ;
. une approche structurée dans certaines filières à Mulhouse.
Au total, ce semestre d’orientation, point dur de la réforme, ne semble pas avoir clairement trouvé sa place au début de l’enseignement supérieur. Ne contribue-t-il pas à retarder le véritable début des études supérieures? Ne vise-t-il pas à pallier une carence de la fin de l’enseignement secondaire?
III - Enseignement de soutien
Ce thème se réfère au sixième alinéa du même article 6 de l’arrêté qui évoque cette possibilité (dans le cadre de la première année) " pour les étudiants qui rencontrent des difficultés ".
L’enseignement de soutien semble très inégalement interprété selon les établissements. Beaucoup renvoient au tutorat (cf. V ci-dessous). Certaines universités indiquent n’avoir organisé aucun enseignement de soutien. Au contraire, trois universités (Montpellier III, Rennes II et Toulouse III) mentionnent explicitement la mise en place de tels enseignements de soutien. Il faut y ajouter Aix-Marseille III en sciences exactes et Paris VII pour les redoublants.
Le nombre d’étudiants concernés est très variable (et ambigu du fait de la confusion fréquente avec le tutorat). Montpellier III fait état d’un groupe de soutien par DEUG. Rennes II mentionne seulement le volontariat des étudiants au vu des résultats du semestre initial. Toulouse III précise que cet enseignement de soutien a concerné 30 % (700 environ) des nouveaux étudiants et 250 redoublants partiels. Aix-Marseille III mentionne près de 1.000 étudiants en sciences. Paris VII estime que le tutorat touche le quart des étudiants de DEUG. A Brest, ces enseignements (mais la réponse semble porter sur le tutorat) concernent tous les étudiants de droit-économie, mais très peu d’étudiants en sciences (rien semble-t-il en lettres et sciences humaines).
Lorsque de tels enseignements sont mis en place, ils mobilisent quelques dizaines d’enseignants : une trentaine à Aix-Marseille III, autant à Toulouse III, un par DEUG à Montpellier III, mais environ 150 à Paris VII (tutorat compris, semble-t-il).
La prise en compte de cette activité dans le service des enseignants semble assurée dans les établissements ayant mis en place des enseignements de soutien spécifiques : seule Paris VII ne répond pas à cette question, mais c’est le cas à Aix-Marseille III, à Brest, à Montpellier III, à Rennes II et à Toulouse III.
Cela peut évidemment poser des problèmes de moyens (en crédits d’heures d’enseignement) aux universités concernées. Tel est le cas à Aix-Marseille III (malgré une subvention ministérielle à cette fin), à Brest (qui parle " d’explosion " des heures complémentaires en droit-économie), à Grenoble I, à Metz, à Montpellier III, à Toulouse III. Paris VII (université où le plus grand nombre d’enseignants y participe) souligne que le manque de moyens oblige à limiter ces enseignements de soutien aux redoublants. Rennes II, à l’inverse, estime que c’est un choix pédagogique (il semble qu’il faille entendre une priorité) de l’université.
Les universités (au moins la moitié de l’échantillon) qui n’ont pas mis en place d’enseignements spécifiques de soutien invoquent des problèmes de moyens (Angers regrette de ne recevoir aucune heure du ministère à ce titre) ou, ce qui revient au même, de sous-encadrement ou d’effectifs trop importants (Aix-Marseille III pour les sciences sociales, Angers, Grenoble I, Mulhouse, Paris X et Saint-Etienne). Cependant, quelques universités font état d’un manque de motivation des enseignants (Brest) -voire d’un refus de principe (conception de l’enseignement universitaire) de ceux-ci (Paris X)- ou des étudiants (Avignon).
Enfin, on soulignera que la plupart des universités qui organisent de tels enseignements de soutien le faisaient avant la réforme. Tel est le cas d’Aix-Marseille III (depuis 1991), de Rennes II et de Toulouse III. Ils n’ont été introduits après l’arrêté qu’à Montpellier III et Paris VII. Ils ont même existé avant la réforme, mais été supprimés depuis celle-ci, à Mulhouse (en sciences, où l’on a préféré privilégier le tutorat) et à Saint-Etienne (faute de moyens).
Bref, la réforme semble avoir eu peu d’influence dans ce domaine, pourtant naturellement complémentaire de la création du semestre d’orientation.
IV- Réorientation en fin de premier semestre
Ce thème correspond notamment à l’article 14 de l’arrêté (ainsi qu’à certaines dispositions des articles 6 et 8). L’article 14 mentionne " l’exercice d’une véritable orientation à la fin du premier semestre et, lorsque l’étudiant le souhaite, des changements d’étude pendant ou à l’issue du DEUG ". La mise en place d’un tel dispositif est obligatoire dans l’arrêté. Mais le même article précise bien que " le choix de poursuite d’études ou de réorientation (...) appartient à l’étudiant ".
La plupart des universités ont prévu les modalités de réorientation imposées par la réforme. Mais elles semblent l’avoir fait avec un enthousiasme très inégal. Certaines mentionnent de multiples possibilités de réorientation : vers d’autres disciplines du même DEUG (Metz), d’autres DEUG (Grenoble I, Montpellier III), voire d’autres établissements (Aix-Marseille III, Mulhouse, Rennes II où les emplois du temps ont été revus pour le rendre possible). D’autres sont plus restrictives -vers les disciplines voisines seulement (Brest, Paris X)- ou constatent que les changements de secteur sont très rares même s’ils sont théoriquement possibles (Paris VII, Toulouse III). Plusieurs universités soulignent que les possibilités offertes sont très peu utilisées par les étudiants (Angers, Montpellier I, Paris VII). Saint-Etienne, qui a ouvert des possibilités internes et, jusqu’en 1998, vers des IUT ou BTS, parle explicitement d’échec de cette procédure. Avignon n’affiche aucune possibilité et attend la demande (rare semble-t-il) des étudiants, alors que l’arrêté prévoit que des recommandations de réorientation peuvent leur être faites.
De fait, les effectifs concernés sont très peu nombreux :
. 38 vers d’autres DEUG à Aix-Marseille III et 23 vers d’autres formations (11 en IUT, 12 en BTS) ; 9 à Strasbourg III ;
. une vingtaine à Avignon ;
. une dizaine vers d’autres DEUG à Saint-Etienne, 2 ou 3 vers un BTS, mais une trentaine vers un IUT en fin de première année ;
. très faible nombre (non chiffré) à Metz ;
. 1 à 2 % vers d’autres DEUG et 1 % vers d’autres formations (IUT, BTS) à Angers ;
. moins de 3 % à Grenoble I (plus 2 étudiants vers l’IUT de l’université ;
. en tout cas moins de 5 % (probablement beaucoup moins) à Brest et à Paris VII.
Montpellier I et Paris X ne chiffrent pas (ainsi que Toulouse III où la réforme a seulement été mise en place à la rentrée 1999). En revanche, les effectifs concernés sont significatifs à Montpellier III (151 la première année de mise en oeuvre et 257 la seconde année) et à Rennes II (environ 150). Enfin, Mulhouse fait état d’environ 50 réorientations vers des concours administratifs ou des filières extra-universitaires (carrières sociales par exemple) et de quelque 45 réorientations vers un IUT ou un BTS (tertiaire dans les deux tiers des cas).
La majorité des établissements (sauf Avignon) ont mis en place une procédure d’entretiens individuels, prévue par l’arrêté, pour les étudiants concernés. Parfois cependant, ceux-ci ont lieu dans le cadre du SCUIO (Montpellier I) et non dans celui des structures pédagogiques ou ne sont prévus que dans certaines filières (Paris X). A Saint-Etienne, ils sont laissés à l’initiative de la discipline d’accueil. Seule l’université d’Avignon ne les mentionne pas.
La mise en place des commissions d’orientation (l’arrêté en prévoit une ou plusieurs par établissement) semble très inégale. La majorité des universités en mentionnent l’existence, mais, pour plusieurs autres (Montpellier III, Paris X, Toulouse III), les jurys de DEUG (Grenoble I, Metz) ou la commission pédagogique (Brest) en tiennent lieu. C’est peut-être aussi le cas dans d’autres universités qui se sont contentées de répondre " oui ", mais qui ne précisent ni le nombre, ni la composition ni la fréquence de réunion de cette (ces) commission(s). A Saint-Etienne, la charge en est laissée aux unités d’accueil si elles le jugent utile. A Rennes II, on justifie l’absence de telles commissions en affirmant que la réorientation est automatique et de la responsabilité des étudiants.
Dans certaines universités, cette commission est unique pour toute l’université (Aix-Marseille III, Brest). Dans d’autres, il y en a une par grand secteur (Angers) ou par UFR (Paris VII et Montpellier I), en particulier lorsqu’il s’agit des jurys de DEUG (22 à Montpellier III). A Avignon, après avoir créé une commission par formation en 1998-99, on est revenu cette année à une commission unique pour l’université. A Mulhouse, il y a une commission inter-UFR et des commissions mixtes entre l’université et les IUT ou BTS partenaires.
Ces commissions comprennent de 5 à 15 personnes selon les cas. Elles peuvent être mixtes enseignants-étudiants (Aix-Marseille III) ou n’être composées que d’enseignants (Angers), voire de composition variable selon les UFR (Paris X). Les quelques universités qui se hasardent à chiffrer le temps que cela occupe par membre d’une de ces commissions l’évaluent à une à deux journées par an. Plusieurs universités (Grenoble I par exemple) soulignent la lourdeur de ce dispositif de réorientation pour un nombre très faible d’étudiants concernés. Certaines font en outre remarquer que ce dispositif ne peut fonctionner qu’entre les formations post-bac qui sont semestrialisées.
Enfin, seulement trois établissements déclarent avoir eu connaissance de la carte nationale des passerelles mentionnée au troisième alinéa de cet article 14 de l’arrêté (dont un pour dire qu’elle ne fonctionne pas). On peut émettre l’hypothèse -confirmée depuis- que le ministère n’a jamais établi ce document et que les deux universités et l’INP qui déclarent en avoir eu connaissance ont confondu avec un autre document.
Au total, il semble que, sans contester sur le fond la possibilité de réorientation des étudiants, beaucoup estiment que les méthodes mises en oeuvre font plus de place à la lourdeur bureaucratique qu’à la nécessaire souplesse pédagogique. Les complications et les contraintes créées paraissent difficilement en rapport avec les résultats obtenus. Ceux-ci n’auraient-ils pas pu être atteints par des moyens beaucoup plus souples laissés à l’appréciation des jurys et des étudiants concernés, les textes se limitant à rappeler le droit à la réorientation et à en prôner la mise en oeuvre chaque fois que nécessaire? En outre, ces réorientations pourraient être beaucoup moins nécessaires si une véritable préparation de l’orientation choisie était effectuée à la fin du secondaire.
V- Tutorat
Le tutorat est également un dispositif dont la mise en place était rendu obligatoire par la réforme et en fait antérieur à celle-ci. Le dernier alinéa de l’article 5 de l’arrêté mentionne " un dispositif d’accompagnement, dont la mise en oeuvre est assurée par des étudiants de deuxième ou troisième cycle, sous la responsabilité pédagogique des enseignants et des enseignants-chercheurs ". Il prévoit que ces " tâches de tutorat effectuées par l’étudiant-tuteur sont validables pour l’obtention du diplôme préparé ".
La quasi-totalité des universités semble avoir mis en place le tutorat (on a vu que certaines estimaient que son existence les dispensait de créer des enseignements de soutien, au reste non obligatoires dans l’arrêté). Quelques universités (Angers, Grenoble I, Paris X) précisent que la mise en oeuvre de ce tutorat est de la responsabilité des UFR ou des composantes. Une d’entre elles (Montpellier III) explique que ce tutorat est assuré dans le cadre de l’UE de méthodologie du semestre initial.
L’effectif des étudiants concernés est variable, mais toujours significatif. Seule Metz estime qu’il est très faible et quelques universités (Avignon, Rennes II) n’en chiffrent pas (en valeur absolue ni en pourcentage) le nombre de bénéficiaires. Celui-ci est estimé en nombre absolu :
. à 1170 étudiants (droit non compris, où il est pratiqué à la demande des étudiants) à Aix-Marseille III ;
. à 223 étudiants à Mulhouse (où des tests obligatoires pour les nouveaux étudiants permettent de dégager une " population fragile " à laquelle le tutorat est proposé) ;
. à 1339 (18,5 % des étudiants de 1re année de DEUG) à Paris X ;
. à une vingtaine en moyenne par DEUG (il y en a 22) à Montpellier III ;
ou en pourcentage :
. à 20 % des étudiants de première année à Angers ;
. à 35 % de ceux-ci à Toulouse III ;
. à 30 % à Montpellier I ;
. entre 20 et 50 % d’entre eux selon les disciplines à Saint-Etienne ;
. à 25 % de l’ensemble des étudiants de DEUG à Paris VII ;
. à la totalité des étudiants à l’INP de Toulouse et de ceux de droit-économie (pourcentage variable dans les autres secteurs disciplinaires) à Brest.
Le recrutement des tuteurs, rémunérés, ne pose pas de problème dans la plupart des universités (Mulhouse seule en mentionne pour le droit). Certaines font même état de plus de demandes qu’elles ne peuvent en retenir (Angers, Toulouse III par exemple). Leur effectif est chiffré soit par rapport au nombre d’étudiants concernés (1 tuteur pour 15 étudiants à Rennes II, un pour 10 à Paris VII, un pour 8 à Toulouse III, groupes de 5 à 7 étudiants à Mulhouse où le tutorat et les enseignements de soutien sont confondus), soit en nombre absolu (35 à Mulhouse, 49 à Avignon, 60 à Montpellier III, 65 à Saint-Etienne, environ 90 à Paris VII, 131 à Montpellier I, 134 à Aix-Marseille III, 205 à Paris X). Seules Angers et Brest n’en chiffrent pas le nombre.
La validation des tâches de tutorat dans le cursus pédagogique, bien que prévue explicitement par l’arrêté, semble poser davantage problème à la plupart des établissements. Il semble que ce ne soit le cas qu’à Avignon et à Saint-Etienne, ainsi qu’en sciences économiques à Aix-Marseille III sous forme de validation de stage, à Toulouse III sous forme de dispense d’UE optionnelle s’il y en a dans le diplôme préparé, voire seulement de " points de jury " (rattrapage) à Paris VII. Rennes II mentionne une évaluation notée, mais on ne peut déterminer si celle-ci concerne les tuteurs ou les bénéficiaires du tutorat. Paris X a une validation " en projet ". Les universités où le tutorat ne donne pas lieu à validation (la majorité) arguent :
. de la difficulté de mise en oeuvre d’une telle mesure (Montpellier III où l’on envisage de négocier l’attribution de points pour l’accès à l’IUFM, Mulhouse où l’on a évoqué une note prise en compte dans une option " implication dans la vie universitaire " qui reste à créer) ;
. de l’inégalité qu’elle créerait entre étudiants (Saint-Etienne, où une telle validation a cependant lieu sous forme de " certificat de stage ", mais où l’on se refuse à le prendre en compte dans le cadre du contrôle des connaissances) ;
. ou ne fournissent pas de justification : il semblerait que certaines universités aient jugé une telle disposition incongrue et se contentent de ne pas l’appliquer ;
. du fait que cela ne figure pas dans les maquettes (Grenoble I, Metz).
Si le tutorat apparaît comme une des mesures de l’arrêté Bayrou la plus largement mise en oeuvre, il faut tempérer ce résultat par le fait que la grande majorité des universités (à l’exception de Brest et de Montpellier III) déclarent l’avoir pratiqué avant celui-ci, dans certains cas seulement à titre expérimental (Paris VII) ou dans certaines disciplines seulement (Saint-Etienne).
VI - Semestrialisation
La semestrialisation est prévue par les articles 1 et 6 (1er cycle) et 7 (2me cycle) de l’arrêté. Celle-ci ne se limite donc pas à la mise en place du semestre d’orientation, quelle que soit l’importance de ce dernier.
La mise en place de la semestrialisation semble générale (ou en voie de généralisation). Parmi les universités qui ont répondu à l’enquête, seules Aix-Marseille III mentionne sa non-application systématique en sciences sociales (droit-économie), Rennes II ne l’a mise en oeuvre qu’en première année et la généralisera à la rentrée 2000, Strasbourg III ne l’applique qu’en premier cycle et en licences de droit et d’AES et Saint-Etienne reconnaît l’avoir appliquée " a minima ". Montpellier I ne répond pas sur ce point (ce silence signifie-t-il une non-application de l’arrêté sur ce point?).
Mais les universités sont nombreuses à évoquer des problèmes pédagogiques et autres soulevés par cet aspect de la réforme. Il semble que ces difficultés soient moins ressenties en sciences (où la semestrialisation est souvent ancienne : par exemple, depuis 1984 en premier cycle à Aix-Marseille III avec répétition des enseignements et jurys semestriels) qu’en lettres et sciences humaines et surtout qu’en droit-économie. Les difficultés évoquées concernent en particulier :
. les problèmes de moyens matériels que cela pose, notamment pour la répétition des enseignements et des examens (Aix-Marseille III) ;
. l’excessive concentration dans le temps (trois à quatre mois) des enseignements que cela entraîne (Angers, Avignon, etc.) ;
. les difficultés pédagogiques pour les matières où la progression est assurée sur une base annuelle (droit et économie notamment) : tel est le cas en particulier à Avignon ;
. les difficultés qui en résultent pour organiser le calendrier des examens (cf. VIII ci-dessous) : Metz, Montpellier III, Mulhouse, Paris X, Saint-Etienne en particulier insistent sur cette conséquence ;
. les difficultés pour l’enseignement des langues (Brest) ;
. les problèmes de surcharge à certaines dates de la bibliothèque universitaire (Angers) ;
. les difficultés de gestion pédagogique (Toulouse III) ;
. la nécessité de refonte des cursus (INP de Toulouse) ;
. l’inadaptation aux structures universitaires traditionnelles (Aix-Marseille III).
Certains (notamment Grenoble I) déplorent que cette semestrialisation soit une fausse semestrialisation dans la mesure où les jurys demeurent annuels, ce qui leur apparaît comme une incohérence interdisant par exemple la poursuite immédiate d’études par ceux qui valident leur diplôme en fin de premier semestre.
Pourtant, presque aucune université ne mentionne d’exception à cette règle : on a seulement vu que Montpellier I n’avait pas répondu sur ce thème et qu’Aix-Marseille III et Strasbourg III au moins n’appliquent pas systématiquement la réforme en sciences sociales (et Grenoble I dans une UE de musique qui fonctionne dans le cadre d’une convention avec le conservatoire de musique).
Il semblerait donc que la semestrialisation ait été plus subie que souhaitée par beaucoup d’universités. Elle était cependant souvent pratiquée avant la réforme de 1997 : à Montpellier III et à Toulouse III ; en premier cycle à Metz et à Paris X ; en sciences en premier cycle à Aix-Marseille III, à Avignon, à Mulhouse et à Paris VII ; en disciplines de santé à Montpellier I ; dans certaines filières à Grenoble I, partiellement (sans autre précision) à Brest et à l’INP de Toulouse.
Au total, la semestrialisation apparaît comme un des aspects les plus controversés et les plus délicats de la réforme. Les objections sont en effet parfois d’ordre purement pédagogique (durée des enseignements, morcellement excessif), soit d’ordre organisationnel (durée des périodes d’examens), soit d’ordre matériel (moyens d’enseignement) soit de plusieurs types à la fois.
VII - Compensation et capitalisation
La capitalisation des unités d’enseignement (nouvelle dénomination introduite par la réforme à la place des modules et des unités de valeur qui avaient précédé ceux-ci) est prévue au troisième alinéa de l’article 18 de l’arrêté qui prévoit que " les unités d’enseignement sont définitivement acquises et capitalisables, dès lors que l’étudiant y a obtenu la moyenne ". La compensation entre les unités d’enseignement est prévue par les alinéas 4 à 7 du même article 18 de l’arrêté qui précise " sans note éliminatoire " Enfin, " sauf dispositions particulières prévues par arrêté (...), chaque année de DEUG est validée sur la base de la moyenne générale des unités d’enseignement ". La même disposition est prévue pour la licence et pour la maîtrise (dixième alinéa).
Toutes les universités semblent effectivement pratiquer la compensation entre unités de valeur, même si elles ne sont pas toutes capables de chiffrer la proportion d’étudiants qui obtiennent le DEUG grâce à cette compensation. Pour celles qui répondent à cette question, l’estimation (car aucune ne semble disposer de statistiques précises sur ce point) de la proportion des étudiants qui n’obtiennent le DEUG qu’à la faveur de ce mécanisme varie de 10 % (Saint-Etienne) ou 15 % (Brest) à 80 % (en sciences à Aix-Marseille III).
La plupart des établissements ne font pas état de difficultés particulières quant à la mise en place de cette compensation. Cependant, quelques-unes signalent les problèmes posés par l’hétérogénéité des barèmes de notation entre enseignants ou entre unités, la question des coefficients, les effets pervers sur le choix des unités par les étudiants (en clair, la prime aux unités où l’on obtient des bonnes notes), les réticences de certains enseignants vis-à-vis d’une disposition qu’ils jugent démagogique (Grenoble I, Mulhouse). Certains (deuxième cycle à Toulouse III, certaines composantes de Paris VII) estiment même qu’une note plancher serait nécessaire, alors même que l’arrêté exclut explicitement l’idée de toute note éliminatoire. D’autres évoquent la tentation d’instituer une " double moyenne " pour restaurer l’importance des matières fondamentales (Mulhouse).
La compensation, de façon générale, ne s’applique pas qu’en DEUG, mais aussi en licence et en maîtrise (sauf, semble-t-il, sans que ce soit toujours explicite, si ce n’est à Montpellier III, pour le mémoire dans les disciplines qui le prévoient : en lettres et sciences humaines).
Contrairement à d’autres dispositions de l’arrêté, la compensation entre unités d’enseignement semble avoir été peu pratiquée par les universités avant la réforme. On rappellera pourtant que la réforme Jospin-Lang en ouvrait explicitement la possibilité. Seule Paris X déclare l’avoir appliquée systématiquement avant la réforme Bayrou, ainsi que Grenoble I de façon partielle (avec des seuils). Quelques établissements la pratiquaient dans certains secteurs (Avignon, Metz, Mulhouse, Paris VII, Saint-Etienne).
La compensation est sans doute un des points délicats de la réforme, même si elle est appliquée de façon quasi généralisée. Alors que les universités la pratiquaient peu avant celle-ci, bien qu’elle fût possible et réclamée par les syndicats étudiants, toutes semblent s’y être converties, la plupart sans rencontrer de difficultés particulières. Les questions posées par quelques établissements ou par certains enseignants -par exemple l’absence de toute note plancher et le risque de voir une mauvaise note dans la matière fondamentale rattrapée par des très bonnes notes dans des matières secondaires où des notes généreuses attirent les étudiants- demeurent néanmoins. Il faut ajouter qu’on sait que certaines formations ont réintroduit des dispositifs non affichés pour réduire dans les faits ces difficultés, ce qui peut comporter des effets pervers (coefficient élevé et notation sévère dans les matières jugées fondamentales).
VIII - Sessions d'examen
Le second alinéa de l’article 18 de l’arrêté prescrit l’organisation de " deux sessions de contrôle des connaissances par an ", normalement séparées de deux mois au moins.
Ces sessions, à l’exception de l’INP de Toulouse où l’on pratique le contrôle continu, sont presque systématiquement organisées :
. en fin de premier semestre (fin janvier débordant parfois début février) pour les enseignements du premier semestre ;
. en juin (parfois fin mai, parfois jusqu’à début juillet) pour ceux du second semestre ;
. en septembre pour la seconde session des enseignements des deux semestres.
L’organisation au printemps de la seconde session pour les enseignements du premier semestre est l’exception (Montpellier II, plus Grenoble I dans certaines composantes). Même si plusieurs universités ne mentionnent pas les dates de la deuxième session (Avignon, Brest, Metz, Paris X, Saint-Etienne), cela ne signifie pas qu’elles n’en organisent pas puisqu’elles en indiquent la durée.
La durée de chaque session d’examens est variable :
. de 2 semaines à un mois, voire 5 semaines (Paris X) pour la session d’hiver à la fin du premier semestre ;
. approximativement autant pour la session de printemps en fin de second semestre ;
. d’une semaine à un bon mois (le plus souvent 3 ou 4 semaines) pour la session d’automne (septembre partout).
Le questionnaire ne demandait pas de commentaire sur les difficultés liées à cette multiplication et à la durée de ces sessions de contrôle des connaissances. On peut néanmoins penser -et les réactions rencontrées par ailleurs le confirment- que cela peut constituer une grande difficulté dans certains établissements, d’autant plus que les effectifs y sont plus nombreux (donc les sessions plus longues) et les disciplines plus diverses. Certaines universités avaient d’ailleurs évoqué ces difficultés en tant que conséquence de la semestrialisation (cf. VI ci-dessus). Toulouse III évoque la suppression des jurys à la session d’hiver. La durée totale des périodes consacrées aux contrôles de connaissances varie en effet de 5 à 6 semaines (Aix-Marseille III, Brest, sciences à Mulhouse) à 3 mois, voire davantage (Paris X). Ces durées représentent donc entre le quart et la moitié de la durée des périodes d’enseignement.
L’université de Grenoble I indique que l’anonymat des copies est mal vécu, tant par les étudiants que par les enseignants, car considéré comme une rupture du contrat pédagogique qui les lie (en plus de la lourdeur de sa mise en oeuvre).
Bien que la question n’ait pas été posée, on peut se demander si certaines universités -on sait que c’est le cas, mais est-ce généralisé?- n’ont pas dû réduire la durée des semestres pour adapter le calendrier annuel à cette multiplication des sessions de contrôle des connaissances (auxquelles il faudrait ajouter le temps consacré aux évaluations et aux procédures de réorientation). D’autres (Saint-Etienne par exemple) ont supprimé l’interruption entre les deux semestres dans certaines composantes et la session d’hiver des examens y a lieu parallèlement à la fin des cours du premier semestre.
Une autre question -non évoquée dans le questionnaire- demeure : celle de la nature des épreuves. Le premier alinéa de l’article 18 évoque à juste titre la nécessité de contrôles écrits et oraux. Mais on sait que dans certaines disciplines les contrôles oraux sont limités à leur plus simple expression, voire que l’esprit des textes est tourné par la pratique des " oraux écrits ". Strasbourg III évoque l’impossibilité de les organiser en premier cycle en raison d’effectifs trop importants. Le même alinéa reprend également des dispositions antérieures qui prévoient " soit un contrôle continu et régulier, soit un examen terminal, soit ces deux modes de contrôle combinés ". Cette disposition permet à certains établissements ou à certaines formations de n’organiser que des examens terminaux ou que des contrôles dits continus (en pratique des exercices, voire un seul, effectué(s) hors surveillance et sans limite de durée), ce qui, dans les deux cas, est pédagogiquement inacceptable.
IX- Inscriptions conditionnelles
L’article 11 de l’arrêté prévoit la possibilité (par décision individuelle) d’inscription en licence des " étudiants ayant validé au moins 80 % des enseignements requis pour l’obtention du DEUG " et la même possibilité lors du passage de la licence à la maîtrise. Le huitième alinéa de l’article 18 prévoit une disposition similaire pour le passage de première en deuxième année de DEUG, mais avec seulement 70 % des enseignements acquis. Cette dernière disposition, contrairement à la précédente, est obligatoire et peut être aménagée dans un sens plus favorable à l’étudiant par arrêté (c’est aussi le cas pour le passage en maîtrise) ou par décision du président sur proposition du jury.
La possibilité d’inscription en deuxième année de DEUG, au reste obligatoire, semble appliquée de façon générale, encore que la moitié des établissements ne précisent pas la proportion (ou le nombre) de bénéficiaires de cette disposition. Parmi celles qui le font, certaines universités font état d’effectifs ou de pourcentages faibles : une trentaine d’étudiants à Strasbourg III, une faible proportion (Metz), de 5 à 10 % (Angers), voire encore plus bas (0,4 % en sciences à Aix-Marseille III). D’autres au contraire parlent de 100 % : il semble qu’il faille interpréter ces dernières réponses comme la totalité des étudiants concernés. Paris X chiffre avec précision à 1.002 cas, soit environ 20 % des inscrits en première année de DEUG. Bien que la question n’ait pas été explicitement posée, il semble en revanche que l’extension en-dessous de 70 % par décision individuelle soit peu pratiquée.
L’inscription conditionnelle (puisque la licence ne peut être délivrée qu’après l’obtention du DEUG) en licence, qui n’est pas obligatoire, semble en revanche très inégalement pratiquée. Plusieurs universités ne répondent pas non plus à cette question. Dans certains établissements, la situation dépend des disciplines : cette possibilité semble plus souvent offerte en sciences qu’ailleurs. De la même façon, dans les universités qui fixent un pourcentage (beaucoup à nouveau répondent " tous ", ce qui signifie certainement tous ceux qui sont dans ce cas), celui-ci est faible (1 à 2 % à Angers, 0,1 % en sciences et 10 % en sciences sociales à Aix-Marseille III, environ 5 % à Toulouse III), à l’exception toutefois de Paris X qui mentionne 526 cas, soit environ un étudiant sur quatre (environ 2.000 DEUG délivrés par an).
Comme dans d’autres domaines, l’effet de la réforme doit être pondéré par le fait qu’une majorité d’établissements avaient mis en oeuvre de telles dispositions avant la réforme, au moins dans certains secteurs. Paris VII fait même état d’un dispositif plus généreux que celui prévu par la réforme qui avait été mis en place avant celle-ci. Seules les universités d’Angers, de Brest et de Mulhouse ne recouraient pas à de tels dispositifs.
La réforme a-t-elle fait évoluer la proportion des bénéficiaires de ces mesures? Les réponses sont diverses : la moitié des universités ne se prononcent pas sur ce point ; quelques-unes (Avignon, Rennes II notamment) pensent qu’elle a augmenté (avec humour, Aix-Marseille III observe que le nombre de bénéficiaires en sciences est passé de 2 à 8) ; Grenoble I mentionne une possible légère augmentation ; d’autres (Brest, Rennes II, Saint-Etienne, Toulouse III) estiment qu’elle a peu ou pas varié.
Il s’agit là sans doute d’un des aspects les moins controversés de la réforme, qui n’a le plus souvent pas entraîné de modification.
X - Prise en compte de l'expérience professionnelle
Le premier paragraphe du deuxième alinéa de l’article 7 de l’arrêté précise que " l’organisation des études en licence et en maîtrise permet la validation dans le cursus d’(une) unité d’expérience professionnelle " destinée à " faire bénéficier les étudiants d’une meilleure connaissance du monde du travail et à faciliter leur insertion professionnelle ". Le même texte prévoit que cette unité fait l’objet d’une convention tripartite (étudiant, entreprise ou organisme d’accueil, université) et " se déroule dans le cadre du semestre universitaire " : cette dernière expression est peu claire, mais semble indiquer qu’il s’agit d’un stage (le terme n’est pas utilisé, bien qu’il le soit à l’article 5) dont la durée est un semestre universitaire (des stages pendant les vacances universitaires, pourtant très fréquents, ne seraient ainsi pas prévus). Cette unité est validée par un jury (qui ne comprend pas de représentant de l’entreprise ou de l’organisme d’accueil cf. article 19 de l’arrêté).
Plusieurs universités (Avignon, Brest, Montpellier I) ne répondent pas aux questions relatives à ce thème. Deux déclarent ne pas avoir mis en oeuvre cette disposition (Metz et Montpellier III). Les autres l’ont appliquée ou prévoient de l’appliquer à la prochaine rentrée (Angers) et précisent le plus souvent qu’il s’agit bien de stages. Celui-ci peut par exemple remplacer un module de maîtrise ou un module optionnel de licence (Saint-Etienne). Certaines universités précisent que la validation est liée à la soutenance d’un mémoire de stage (Aix-Marseille III et Paris VII notamment), mais on peut penser que c’est également le cas dans d’autres universités qui ne l’ont pas précisé. Il peut concerner particulièrement les filières professionnalisées (Aix-Marseille III, mais il y est également possible dans les filières dites " académiques ").
Seules Paris X, Toulouse III, Mulhouse (où cela concernera cette année au maximum 2 étudiants) et l’INP de Toulouse (où cela concerne 3 à 4 % des étudiants) mentionnent explicitement la validation d’activités professionnelles -antérieures ou parallèles aux études effectuées?-, mais cela ne signifie pas que d’autres établissements ne la pratiquent pas (le questionnaire ne posait pas de question explicite sur ce point qui n’est évoqué dans les articles 9 et 10 de l’arrêté que pour l’accès à l’université en premier ou deuxième cycle). Grenoble I a même abandonné un tel dispositif qui ne concernait que 2 ou 3 étudiants par an.
Plusieurs établissements (Aix-Marseille III, Paris VII, Paris X), qui font état de tels stages, déclarent qu’ils existaient avant la réforme. Dans d’autres au contraire (Angers, Saint-Etienne), leur introduction est postérieure à la réforme (Grenoble I, Rennes II et Toulouse III ne répondent pas à cette question sur l’antériorité).
Le nombre d’étudiants concernés est rarement précisé. Il semble très inégal entre les établissements : 80 à Saint-Etienne, 5 % des étudiants de second cycle à Toulouse III, mais 700 à Aix-Marseille III pour les seules filières professionnelles scientifiques.
Cette dernière université souligne que cela lui pose le problème des heures affectées au tutorat des stages qui ne sont pas prises en compte dans le service statutaire des enseignants. Plusieurs universités (Mulhouse, Paris VII, Paris X) évoquent surtout les conséquences, difficiles à gérer, en termes de calendrier universitaire. L’INP de Toulouse pose le problème des partiels qui n’est pas résolu. D’autres établissements enfin estiment que cela ne leur a pas posé de problème particulier (Rennes II). Saint-Etiennne regrette que, dans certains secteurs (lettres et langues), les étudiants ne soient pas motivés.
Au total, on peut regretter que cette disposition novatrice de l’arrêté y ait été rédigée de façon aussi confuse : refus d’utiliser le terme de stage, rédaction elle-même ambiguë (" l’organisation des études permet la validation " et non " prévoit la validation "). Il est clair que les stages tiennent encore une place insuffisante dans les études universitaires de second cycle, alors même qu’ils sont très appréciés des étudiants. Peut-être les réticences du patronat -qui craint de ne pouvoir offrir suffisamment de stages- et de certains milieux universitaires expliquent-elles cette prudence qui confine à la pusillanimité.
XI - Prise en compte des échanges éuropéens
La prise en compte des échanges européens est également prévue, dans les mêmes termes que pour l’expérience professionnelle, au deuxième alinéa (deuxième paragraphe) de l’article 7 de l’arrêté. Il s’agit de la validation d’un semestre d’études dans un établissement de l’Union Européenne lié par convention à l’université d’inscription.
La plupart des universités semblent avoir mis en oeuvre un tel dispositif : seules Avignon, Montpellier I et Toulouse III ne répondent pas sur ce thème du questionnaire. Toutefois, certaines universités seulement précisent les modalités adoptées : équivalence d’unités d’enseignement (Angers, Rennes II, Saint-Etienne), crédits (Mulhouse), compensation (Brest), European Credit Transfer System (ECTS : Aix-Marseille III, Grenoble I, Metz, Mulhouse, INP de Toulouse).
Mais la réforme Bayrou ne semble être pour rien dans cette situation, puisque toutes les universités qui ont répondu précisent qu’un tel dispositif existait avant celle-ci (seule Aix-Marseille III précise qu’avant 1997 ce dispositif ne concernait que les sciences, mais cela n’exclut pas que l’extension aux autres disciplines soit indépendante de la réforme de 1997). Grenoble I fait cependant observer que les échanges avec l’étranger sont plus souvent d’une année que d’un semestre.
Là encore, le nombre d’étudiants concernés est très variable, mais relativement modeste : de l’ordre de 1 % des effectifs le plus souvent (Aix-Marseille III), voire 1,5 % (Saint-Etienne), souvent moins. Seule Angers mentionne 5 à 10 %, mais on peut penser que ce taux ne s’applique pas à la totalité des effectifs. En revanche, cela concerne 20 % des étudiants de l’INP de Toulouse. En nombres absolus, cela varie (pour les universités qui fournissent ce chiffre) de 130 (Paris VII), 150 (Montpellier III), à 200 + 100 stages (Aix-Marseille III), 220 (Toulouse III) et environ 300 (Mulhouse).
Les problèmes pédagogiques posés par la validation de ces échanges ne semblent pas majeurs. Seule, l’université d’Angers pose la question de la dispense, à travers ces échanges, d’enseignements obligatoires. Certaines (Aix-Marseille III) excluent la dispense de ces enseignements obligatoires. Plusieurs (Grenoble I, Mulhouse, Aix-Marseille III en particulier) résolvent ces difficultés à travers un contrat pédagogique individualisé. De même, Montpellier III et Paris VII traitent les problèmes au cas par cas.
La réforme ne semble pas avoir beaucoup influé sur le volume, encore très limité, d’échanges éminemment souhaitables.
XII - Evaluation des enseignements
L’article 23 de l’arrêté dispose que " pour chaque cursus, est organisée une procédure d’évaluation des enseignements et de la formation " qui " prend en compte l’appréciation des étudiants ", ceci avec comme double objectif de permettre " à chaque enseignant de prendre connaissance de l’appréciation des étudiants " et " une évaluation de l’organisation des études, (...) suivie pour chaque formation par une commission (...) qui comprend un nombre égal de représentants élus des étudiants et d’enseignants-chercheurs ou d’enseignants ".
Cette disposition, une des plus controversées de la réforme Bayrou, semble avoir reçu une application très inégale selon les universités. Les universités ayant répondu à l’enquête se répartissent en trois tiers :
. celles qui déclarent l’avoir mise en oeuvre (Angers après une expérimentation partielle en 1998-99, Brest, Paris VII, Rennes II), ce qui ne signifie pas qu’elle ait été respectée dans tous les secteurs de l’université (Brest : 60 % en lettres, 3 % en sciences) ;
. celles qui ne l’ont fait que de façon partielle, le plus souvent dans certains secteurs ou filières seulement (Aix-Marseille III, Mulhouse, Saint-Etienne) et celles où la procédure est en cours de mise en place (Grenoble I, Toulouse III) ;
. celles qui déclarent ne pas l’avoir appliquée (Montpellier III, Paris X, Strasbourg III), l’université de Montpellier I prévoyant cependant de le faire en 2OOO-2001 et celle d’Avignon l’envisageant pour le prochain contrat quadriennal ; à Metz, on déclare l’avoir mise en place à titre expérimental en 1997-98 et l’avoir abandonnée, mais envisager d’y revenir par une voie différente.
Cette évaluation repose le plus souvent sur la distribution de questionnaires anonymes aux étudiants, dont la synthèse est ensuite effectuée (par des instances diverses selon les cas : services de la scolarité, UFR, etc.) et communiquée aux enseignants concernés et aux instances pédagogiques. Dans certains cas, elle se limite à une discussion entre les étudiants, dont des délégués établissent la synthèse. Ces modalités peuvent aussi varier selon les composantes de l’université (Rennes II). Ailleurs, elle peut être effectuée, sans questionnaire auprès des étudiants, au sein des commissions paritaires de filières (certaines filières à Saint-Etienne).
Le rôle des étudiants, prévu par l’arrêté, est réel dans la majorité des cas où cette procédure a été mise en place, à travers soit les élus dans les conseils (Angers) ou spécifiquement au CEVU (Brest) à l’occasion de l’élaboration des questionnaires d’évaluation par les étudiants (Aix-Marseille III, Paris VII), soit sans autre précision (Mulhouse, Rennes II, Saint-Etienne, Toulouse III) ou aux diverses étapes de la procédure (Grenoble I, Metz, INP de Toulouse). Certains établissements précisent que la parité est respectée (Aix-Marseille III), ce qui ne signifie pas qu’elle ne le soit pas dans les autres.
Cette disposition posait la question de l’acceptation par les enseignants, certaines organisations syndicales s’étant fait l’écho de graves réticences de nombreux collègues. De fait, les réactions de rejet semblent avoir été nombreuses au départ (Brest, Metz, Mulhouse, Rennes II, Toulouse III par exemple), au moins de la part d’une minorité (Grenoble I, Saint-Etienne), mais elles ont parfois pu être surmontées à l’expérience de la procédure (Mulhouse, Rennes II, Toulouse III notamment). Cette évaluation a en revanche été bien acceptée notamment là où les questionnaires -mais pas la synthèse- ont l’enseignant concerné pour unique destinataire (Aix-Marseille III, Toulouse III) ou là où la tradition des grandes écoles s’appliquait (INP de Toulouse). Le taux de mise en oeuvre est cependant resté faible dans certains secteurs (3 % en sciences à Brest par exemple, mais on peut penser que ce cas, qui a été chiffré avec précision, n’est pas absolument isolé, sans parler des établissements où cette disposition est restée lettre morte cf. ci-dessus).
L’objectif (le second cité dans l’arrêté) d’amélioration de l’organisation des études, malgré une question explicite dans le questionnaire, est évoqué timidement par la plupart des universités. Lorsqu’on répond à cette question, on se limite le plus souvent à évoquer des améliorations ponctuelles (Aix-Marseille III, Mulhouse, Rennes II, Saint-Etienne, Toulouse III), par exemple une meilleure coordination entre le cours et les TD ou entre les différentes matières (Mulhouse) ou à la prise en compte des attentes des étudiants sans autre précision (Grenoble I, INP de Toulouse).
Les commissions paritaires d’évaluation -une par formation selon l’arrêté- n’existent que dans la moitié des établissements ayant répondu à l’enquête. Encore ne respectent-elles pas toujours la lettre de l’arrêté. A Saint-Etienne, c’est le CEVU qui joue ce rôle pour toutes les formations. A Angers, elle est également constituée par les membres élus du CEVU (et semble donc unique pour toutes les formations). A Aix-Marseille III, elle est également unique pour toute l’université et composée à parité d’enseignants et d’étudiants. A Paris VII, ce sont les membres des conseils et les vice-présidents des grands secteurs disciplinaires qui y siègent. A Rennes II, il y a un groupe de pilotage unique qui réunit un représentant par département (ce qui semble exclure la parité). A Mulhouse, on avoue qu’elles n’existent que " sur le papier ".
Là où ces commissions n’ont pas été mises en place, on invoque les fortes réticences des enseignants (Brest où une commission est prévue, Mulhouse, Paris X), auxquelles il faut sans doute ajouter les autres universités qui n’appliquent pas encore cette disposition (Angers, Montpellier I, Montpellier III qui évoque explicitement de fortes réticences), ce qui représente la moitié des réponses, voire le faible intérêt manifesté par les étudiants (Mulhouse). A Saint-Etienne, on invoque la lourdeur de ces commissions : on peut lui adjoindre les cinq universités citées ci-dessus qui ont réglé cette difficulté en ne créant qu’une commission pour l’ensemble de l’université, voire ont mandaté le CEVU ou ses élus à cette fin. La fréquence de réunion de cette (ces) commission(s) est rarement précisée : 2 fois par an à Aix-Marseille III et à Toulouse III ; 3 ou 4 fois par an à Rennes II.
Le dispositif d’évaluation des enseignements et des formations, en vigueur depuis longtemps dans de nombreux pays étrangers et en France dans quelques établissements (grandes écoles surtout), parfois à l’initiative des étudiants, parfois à celle des responsables, semblait une innovation osée mais judicieuse. Il semble qu’à ce stade elle rencontre encore de nombreuses réticences qui expliquent qu’une disposition, pourtant prévue comme obligatoire par l’arrêté, ne soit appliquée que très partiellement et souvent a minima. On peut espérer une évolution des mentalités des enseignants. Mais celle-ci aurait sans doute été plus facile si cette mesure ne s’inscrivait pas dans le cadre d’une réforme dont beaucoup d’autres dispositions sont jugées par certains d’entre eux comme inapplicables, inutiles, voire démagogiques.
XIII - Taux de réussite
L’amélioration du taux de réussite des étudiants, en particulier en premier cycle, était l’objectif avoué de la réforme. Cet objectif n’est cependant pas explicitement évoqué dans l’arrêté.
La majorité des établissements qui ont répondu à l’enquête n’ont pas apporté les précisions demandées en termes statistiques et de taux de réussite. Certains se contentent de ne pas répondre à ces questions quantitatives (Angers, Brest, Metz, Montpellier I, Paris VII, Rennes II). D’autres (Montpellier I) évoquent explicitement l’insuffisance de leurs statistiques (la réponse aux questions sur les réussites au DEUG en deux ans ou en trois ans supposait en effet des statistiques par cohorte des étudiants). L’autre moitié des universités fournit des taux de réussite ou les éléments (nombre d’inscrits et nombre de reçus) qui permettent de les calculer.
Le taux de réussite au DEUG dans la durée officielle (en deux ans) se situe entre 24 % (Saint-Etienne) et 37,5 % (Paris X), avec comme situations intermédiaires 26 à 37 % à Mulhouse, 31,8 % en sciences à Aix-Marseille III (38 % en droit, 74 % en économie, 58 % en AES), 32,5 % à Grenoble I, 34 % à Avignon et 35 % environ à Toulouse III. La moyenne semblerait donc s’établir autour du tiers des inscrits, ce qui demeure très faible.
En trois ans, le taux de succès au DEUG varie de 43 % (Saint-Etienne), environ 50 % à Toulouse III (mais cette statistique remonte à 1993), 50,5 % à Paris X, 44 à 94 % selon les filières à Aix-Marseille III, 59 % à Avignon (où la proportion de reçus la troisième année est de 25 %), près de 80 % à Grenoble I (dont plus de la moitié au terme de la troisième année). La moyenne est légèrement supérieure à un sur deux, ce qui est encore très faible.
La majorité environ des universités (Aix-Marseille III, Avignon, Brest, Grenoble I, Montpellier III, Rennes II, Saint-Etienne, Toulouse III) ayant répondu estiment que ces taux, quand bien même elles ne sont pas capables de les évaluer, sont en progression (de 27 à 34 % à Avignon en deux ans). Les autres ne répondent pas, soit par absence de données fiables, soit parce qu’elles estiment qu’il est trop tôt pour se prononcer (Paris VII). Seule Paris X a constaté une légère baisse en 1999 (37,5 % de reçus au DEUG en deux ans contre près de 40 % en moyenne les quatre années précédentes). A Grenoble I, la proportion de reçus au DEUG en deux ans a diminué sensiblement en 1999, mais la proportion des reçus au terme de la troisième année a augmenté encore plus nettement). Mais certaines universités n’attribuent pas cette progression à la réforme Bayrou, mais par exemple au tutorat, le plus souvent mis en place avant la réforme (Aix-Marseille III). Certaines, comme Saint-Etienne, estiment même que cette progression n’est " pas forcément saine " car " artificielle " : " les étudiants passent ainsi en licence dans des conditions assez catastrophiques (ils sont incapables de poursuivre des études longues) ". D’autres (Grenoble I) constatent un " taux de fuite " plus important depuis la réforme(passant de moins de15 % à 30 % environ)
Conclusion
Il est clair que les conclusions d’une telle enquête doivent être nuancées. D’une part en raison de la faible dimension de l’échantillon des universités qui ont répondu à l’enquête, même si l’on a vu que la diversité des établissements était très correctement respectée. D’autre part, parce qu’on peut penser que le fait même de répondre à l’enquête suppose une implication plus forte dans celle-ci. Mais surtout parce que les réponses sont rarement univoques.
Une première remarque doit être faite : certaines des dispositions présentées comme d’application obligatoire dans l’arrêté de 1997 ne sont que très inégalement mises en oeuvre (par moins de la moitié des universités selon l’enquête). Tel est le cas :
. de la mise en place d’une commission pour l’accueil et l’amélioration des conditions d’études des étudiants handicapés (article 13) ;
. de l’élaboration (par le ministère!) d’une carte nationale des passerelles entre filières de premier cycle destinée à faciliter les réorientations (article 14) ;
. de la validation pédagogique des tâches de tutorat (article 5) ;
. de la mise en place des procédures d’évaluation des enseignements et des formations (article 23) ;
. de la mise en place des commissions de suivi des évaluations (article 23).
De même, certaines dispositions, qui n’étaient présentées dans l’arrêté que comme des possibilités, contrairement aux précédentes, ont été également fort peu mises en oeuvre. Tel est le cas :
. des conventions avec les organisations professionnelles ou interprofessionnelles pour la connaissance des débouchés des études (article 13) ;
. des conventions entre établissements pour la mise en oeuvre d’enseignements dans des disciplines complémentaires au cours du semestre initial (article 6) ;
. des enseignements de soutien (article 6) ;
. de l’inscription conditionnelle en licence ou en maîtrise après validation de seulement 80 % (en coefficients) des enseignements de l’année précédente (article 11).
D’autres dispositions n’ont été appliquées, dans de nombreux établissements, que de façon partielle ou a minima. On peut évoquer dans ce cadre :
. les dispositifs d’accueil et d’information des nouveaux étudiants (article 13) ;
. l’unité de méthodologie du travail universitaire (article 6) ;
. les procédures de réorientation à la fin du semestre initial (article 14) ;
. la semestrialisation (articles 6 et 7) ;
. la prise en compte de l’expérience professionnelle et la mise en place de stages (article 7).
La réforme apparaît donc comme très imparfaitement mise en oeuvre.
Cela n’empêche pas que, même dans certaines de ses dispositions les plus appliquées, elle ait posé des difficultés aux établissements :
- une insuffisance de moyens, particulièrement cruciaux dans les disciplines à gros effectifs (droit et économie en particulier), par exemple pour :
. les enseignements de soutien ;
. la semestrialisation (répétition des enseignements notamment) ;
. l’encadrement des stages ;
- des problèmes pédagogiques, en particulier à travers :
. la semestrialisation qui astreint à une concentration des enseignements sur une période très courte et à leur morcellement ;
. la compensation entre unités d’enseignement qui pose la question de la place des enseignements fondamentaux et celle de l’interdiction de notes éliminatoires, ainsi que le problème de l’hétérogénéité des échelles de notation et des effets pervers sur le choix des unités optionnelles ;
. l’obligation de deux sessions de contrôle des connaissances, donc de trois périodes d’examens (hiver, printemps et automne) qui occupent une place démesurée dans le calendrier universitaire et réduisent souvent la durée des enseignements ;
. les enseignements obligatoires en cas de semestre d’échange dans le cadre de l’Union Européenne ;
- des problèmes organisationnels, par exemple :
. la durée des périodes d’examens (c’est le plus sérieux) ;
. l’intégration et le calendrier des stages ;
- enfin, des problèmes de motivation des enseignants et parfois des étudiants, notamment :
. pour les enseignements de soutien ;
. pour les stages ;
. pour l’évaluation des enseignements.
Ces difficultés, pour la plupart, ne sont pas irrémédiables et des évolutions positives ont été observées dans les établissements qui ont entrepris de mettre néanmoins en oeuvre, au besoin progressivement, les dispositions les plus délicates de la réforme.
Le bilan de la réforme est en outre loin d’être négatif. La réforme aura permis des progrès (même s’ils ne sont pas toujours généralisés) dans plusieurs voies. En tout cas, certaines dispositions sont largement appliquées, en particulier:
. la compensation entre unités d’enseignement ;
. la généralisation de la double session d’examens ;
. les inscriptions conditionnelles en deuxième année de premier cycle et, dans une moindre mesure, en licence et en maîtrise ;
. le tutorat (même s’il était déjà largement mis en oeuvre avant la réforme) ;
. les échanges européens (également déjà développés avant la réforme).
Surtout, et c’est là la résultante des points précédents, il semble bien -encore qu’on ne dispose que d’éléments statistiques très incomplets- que le taux de réussite ait globalement progressé, même s’il reste faible (environ un reçu sur trois au DEUG en deux ans, un sur deux au terme de trois ans). C’était là l’objectif premier de la réforme. On peut parier qu’il sera au moins partiellement atteint. En outre, en sciences, les étudiants admis directement en deuxième année (venant des disciplines de santé ou d’hypotaupe par exemple) obtiennent plus souvent le DEUG en un an grâce aux efforts entrepris en matière d’orientation et d’accueil. Mais il semble surtout que le taux de réussite au DEUG en deux ans ait augmenté, mais que cela s’accompagne parfois d’une baisse de la proportion de diplômés au bout de trois ans, le total des reçus demeurant stable. Cette considération, si elle était confirmée, viendrait tempérer les effets de la réforme en termes de taux de réussite, mais cela constituerait néanmoins un progrès significatif en soi (sous réserve que les intéressés ne soient pas fragilisés en second cycle par des bases insuffisantes).
On peut ajouter que, sur des points où le succès de la réforme n’est pas du tout assuré, des évolutions ont néanmoins été enregistrées, par exemple :
. des unités d’enseignement de méthodologie du travail universitaire structurées dans certaines universités (Montpellier III, Toulouse III dans notre échantillon), même si elles sont encore très minoritaires ;
. l’introduction d’enseignements de soutien dans quelques universités supplémentaires (Montpellier III, Paris VII) ;
. des effectifs significatifs en réorientation à la fin du semestre initial dans quelques établissements (Montpellier III, Mulhouse, Rennes II), même s’ils sont très minoritaires ;
. des progrès quant à la pratique des stages dans quelques universités (Rennes II, Toulouse III) ;
. enfin, malgré les difficultés rencontrées, la mise en place -certes non généralisée malgré la lettre de l’arrêté de 1997- de l’évaluation des enseignements et des formations.
Bref, du point de vue des étudiants, la réforme semble positive.
Ce relatif succès est beaucoup moins clair du point de vue des universitaires. Ceux-ci peuvent craindre que l’amélioration des taux de réussite ne soit artificiel et ne conduise à délivrer des diplômes dévalués. On ne peut balayer d’un revers de la main de telles objections. Par exemple, l’interdiction de toute note éliminatoire par la réforme est une mesure démagogique qui déstabilise les enseignants dans l’enseignement de leur propre discipline et donne un rôle artificiellement gonflé aux enseignants des matières secondaires, qui ouvre la voie à des notations démagogiques dans les enseignements optionnels (pour attirer les étudiants) et à des situations conflictuelles entre enseignants. On observera aussi que les universités ont pris majoritairement la responsabilité de ne pas appliquer certaines mesures jugées démagogiques, telle la validation pédagogique des tâches de tutorat : celles-ci sont rémunérées (correctement) et cela suffit à motiver les candidats au rôle de tuteur.
Les universités sont dans une situation intermédiaire. Elles ne peuvent que se féliciter de voir leurs taux de réussite s’améliorer. Mais elles ne peuvent que redouter de se voir reprocher de délivrer des diplômes " bradés " et de s’éloigner des principes universitaires. Elle supportent les conséquences de dispositifs souvent lourds, surtout par rapport à la minceur des résultats de certains d’entre eux.
Car on peut reprocher à la réforme d’être bureaucratique. De nombreux points l’ont illustré. On n’en soulignera ici que deux :
- Est-il raisonnable et utile de consacrer au contrôle des connaissances entre la quart et la moitié du temps dévolu à l’enseignement (tant en termes de temps calendaire que de temps de travail des enseignants)?
- Est-il raisonnable et utile de multiplier à l’envi les commissions. La réforme prévoit -en plus de celles qui existaient déjà, telles les commissions pédagogiques prévues par la réforme Jospin-Lang et reprises dans le cadre de la réforme (article 11 de l’arrêté) et bien sûr les jurys par année et par formation (article 19)- :
. une commission pour améliorer l’accueil et les conditions d’études des étudiants handicapés (article 13) ;
. une ou plusieurs commissions d’orientation (dans certains établissements plusieurs dizaines) et éventuellement des commissions mixtes entre plusieurs établissements ;
. une commission (par formation si l’on s’en tient à la lettre de l’arrêté dont la rédaction est, heureusement si l’on peut dire, ambiguë) d’évaluation des enseignements et de la formation.
On pourrait présenter des remarques analogues sur la multiplication des conventions, des chartes (au reste non publiées), des arrêtés complémentaires, des rapports, etc., prévus par l’arrêté de 1997.
N’aurait-il pas été plus efficace d’exprimer en termes clairs des objectifs simples :
. un effort d’orientation des étudiants à effectuer dès le secondaire ;
. la possibilité de réorientation en cours d’études ;
. la souplesse dans la progression des études et la suppression des barrages excessifs et injustifiés sur le plan pédagogique ;
. le soutien aux étudiants en situation de faiblesse, mais ayant leur place dans un enseignement supérieur long (qui est la vocation des universités, rappelons-le encore) ;
. le droit pour les étudiants à des entretiens personnalisés aux moments clés de leurs études et en particulier au début de celles-ci et au vu des résultats de contrôle ;
. la prise en compte des expériences professionnelles et des échanges entre universités européennes ;
. une ouverture vers le monde du travail, notamment à travers des stages intégrés à la formation ;
. la pertinence et l’intérêt pour tous les acteurs de l’université d’un processus d’évaluation des enseignements et des formations;
et de laisser les établissements, dans le cadre de leur autonomie pédagogique -mais sous le contrôle du ministère exercé à l’occasion des contrats quadriennaux- adopter les dispositions pertinentes et souples pour les mettre en oeuvre?
On aurait pu ainsi éviter la situation cocasse -mais triste- d’un arrêté qui s’impose aux établissements, mais qui n’est que très partiellement appliqué (et dont on se félicite qu’il le soit au moins partiellement). On aurait pu éviter des échecs majeurs comme le processus lourd et le plus souvent inefficace de la réorientation en fin de semestre initial. On aurait pu éviter des mesures démagogiques, et heureusement fort peu appliquées, comme la validation pédagogique du tutorat. On aurait ainsi pu éviter d’autres mesures démagogiques, mais malheureusement largement appliquées, comme la suppression de toute note éliminatoire.