Projet de loi relatif aux libertés et responsabilités des universités

adopté le 12 juillet 2007 par le Sénat après déclaration d’urgence

 

Proposition d’amendements de l’Association pour la qualité de la science française (QSF)

14 juillet 2007

 

 

Article 4

 

Modifier l’art. L. 712-1 du code de l’éducation : « Le président de l’université par ses décisions, le conseil d’administration par ses délibérations, le conseil scientifique par ses avis et propositions, le conseil des études et de la vie universitaires par ses avis assurent l’administration de l’université. »

 

(Le modèle retenu pour la gouvernance de la nouvelle université – président et conseil d’administration – est celui du directeur et du conseil de direction d’un IUT. En 2005-2006, il y avait en France 115 IUT pour 111 300 étudiants, soit moins de 1 000 étudiants en moyenne par IUT. La taille des universités est sans commune mesure avec celle des IUT : plus de 15 000 étudiants en moyenne, de 7 000 à près de 60 000 étudiants pour certaines, quelque 70 000 dans le regroupement envisagé par les universités d’Aix-Marseille. D’autre part, les spécialités de chaque IUT, dans le secteur secondaire et/ou tertiaire, sont plus concentrées que celles des universités, même dites monodisciplinaires. Enfin, un IUT n’a pas vocation à conduire des recherches scientifiques. On ne gouverne donc pas une université comme un IUT. Le fait d’avoir calqué les responsabilités du président d’université sur celles du directeur d’une école de taille moyenne et disciplinairement homogène, moins exposée à la concurrence internationale et n’ayant pas parmi ses missions primordiales de mener une stratégie de recherche compétitive, est à la source d’un certain nombre d’incohérences qui subsistent dans le projet de loi. Le nouveau président d’université exercerait ainsi des pouvoirs qui sont séparés dans les grandes universités du monde entier : président du conseil d’administration, Chief Executive Officer, Chief Academic Officer ou Provost, Chief Financial Officer. C’est pourquoi une régulation doit encore être créée. En particulier, les responsabilités du conseil scientifique, que le projet de loi réduit, doivent être renforcées.)

 

 

Article 5

 

Modifier l’art. L. 712-2, 1o, 1er alinéa :

« Le président de luniversité est élu à la majorité absolue des membres du conseil dadministration. Il appartient au corps des professeurs des universités ou à lune des catégories de personnels assimilés aux professeurs des universités. »

 

(Le projet de loi donne au président de nombreuses compétences touchant aux choix scientifiques de l’université, compétences qui ne peuvent être confiées qu’à un gradé de l’enseignement supérieur ou de la recherche, intérieur ou extérieur à l’établissement.)

 

Créer un 2e alinéa : « Le président remet sa démission lorsque le budget qu’il présente est rejeté deux fois de suite ; le conseil d’administration est convoqué par le doyen d’âge des enseignants-chercheurs dans les dix jours qui suivent le constat de la cessation des fonctions. »

 

Créer un 3e alinéa : « Il remet aussi sa démission lorsque une motion de défiance est adoptée à la majorité des 3/5 des membres du conseil d’administration, sur convocation par son doyen d’âge des enseignants-chercheurs à la demande écrite à cette fin de la majorité absolue de ses membres. »

 

Modifier l’article L. 712-2, 4o, 1er alinéa : « Il a autorité sur l’ensemble des personnels de l’université dans le respect de leurs statuts. » 

 

Modifier l’article L. 712-2, 4o, 2e alinéa : « Aucune affectation d’un personnel ATOS ne peut être prononcée si le président émet un avis défavorable motivé. »

 

(Cet amendement, en ce qu’il supprime le droit de veto du président calqué sur celui du directeur d’IUT – droit de veto qui appartient déjà au conseil d’administration –, garantit la pérennité des concours nationaux de recrutement qui sont le gage d’une qualité de l’enseignement et de la recherche homogène sur le territoire. Négliger cette exigence expose à une différenciation des établissements qui se fera au détriment de l’avenir des étudiants, alors que dans un environnement concurrentiel il faut leur assurer la meilleure formation possible, surtout loin de la capitale.)

 

Autre formulation possible de cet alinéa : « Sous réserve des dispositions statutaires relatives à la première affectation des personnels recrutés par concours national d’agrégation de l’enseignement supérieur ou, s’agissant du recrutement des maîtres de conférences d’un vice de forme de la procédure, aucune affectation ne peut être prononcée si le président émet un avis défavorable motivé. »

 

 

Article 6

 

(La composition du conseil d’administration est de la première importance au regard des compétences qui lui sont dévolues par le projet de loi. C’est un organe restreint d’orientation stratégique, non représentatif des composantes. Il importe qu’il puisse comporter des membres indépendants du président, puisqu’il s’agit aussi de le contrôler. À l’étranger, le président de l’université n’est pas le président de son conseil d’administration.)

 

À l’art. L. 712-3. - II, supprimer : « Les personnalités extérieures à l’établissement, membres du conseil d’administration, comprennent, par dérogation à l’article L. 719-3, notamment […]     

Remplacer par : « Les personnalités extérieures à l’établissement, membres du conseil d’administration, sont désignées par leurs administrations, entreprises publiques ou privés, ou autres, d’appartenance. »

 

À l’art. L. 712-3. - II-3o, supprimer la fin du 2e alinéa : « Les personnalités extérieures à l’établissement sont nommées pour une durée de quatre ans. À l’exception des représentants des collectivités territoriales, qui sont désignés par ces dernières, elles sont nommées par les membres élus du nouveau conseil d’administration sur proposition de la personne figurant à la première place de la liste des professeurs ayant obtenu la majorité des sièges. »

 

 

Article 7

 

(Le conseil d’administration d’une grande université fixe les orientations stratégiques et décide en dernière instance, mais il n’est pas en mesure de superviser toute la vie scientifique et pédagogique des composantes, de surveiller l’enseignement et la recherche dans toutes les disciplines. Il ne peut pas s’adonner au « micromanagement ». La gestion quotidienne et appliquée de l’établissement par le conseil de direction peut être efficace dans un IUT de mille étudiants, non dans une université multidisciplinaire de 20 ou 25 000 étudiants, où elle doit être déléguée aux composantes et facultés. En ce qui concerne l’activité pédagogique et scientifique collective et individuelle, le conseil scientifique est plus qualifié et représentatif, et il doit disposer d’une compétence pleine non seulement d’évaluation et de contrôle, mais aussi d’impulsion, comme dans les institutions étrangères.)

 

À l’art. L. 712-5, 2o, modifier les point a) et b) du dernier alinéa : « Le conseil scientifique est consulté sur les orientations des politiques de recherche, de documentation scientifique et technique, les programmes de formation initiale et continue, les demandes d’habilitation à délivrer des diplômes, ainsi que sur la répartition des crédits de recherche des différentes composantes ; il peut proposer des initiatives dans ces domaines. Il assure la liaison entre l’enseignement et la recherche. » 

 

À l’art. L. 712-5, 3o, modifier le nouvel alinéa : « En formation restreinte aux enseignants-chercheurs, dans le respect des dispositions statutaires qui leur sont applicables, il propose l’attribution des primes de recherches et statue sur toutes les mesures individuelle les concernant : recrutement sous réserve des dispositions statutaires relatives à la première affectation des personnels recrutés par concours national d’agrégation de l’enseignement supérieur, mutations intégration des fonctionnaires des autres corps dans le corps des enseignants-chercheurs, titularisation des maîtres de conférence stagiaires, recrutement ou renouvellement des attachés temporaires d’enseignement et de recherche en particulier. »

 

 

Article 9

 

Modifier l’art. L. 712-6-1 : « Les statuts de l’université prévoient les conditions dans lesquelles les grands secteurs de formation sont représentés au conseil scientifique et au conseil des études et de la vie universitaire au regard de leur importance dans l’université. »

 

(Le conseil d’administration ne figure pas dans cette liste, et il n’est pas représentatif des composantes. Aussi importe-t-il que les autres conseils puissent représenter les grands secteurs de formation et de recherche, ainsi que les enseignants-chercheurs qui les animent, pour que les décisions les concernant puissent être prises par leurs pairs, dans le respect des statuts applicables.)

 

 

Article 10

 

Modifier l’art. L. 719-1, 2o, deuxième alinéa : « L’élection s’effectue, pour l’ensemble des représentants des personnels autres que les enseignants-chercheurs, des étudiants et des personnes bénéficiant de la formation continue, par collèges distincts, au scrutin de liste à un tour avec représentation proportionnelle au plus fort reste, possibilité de listes incomplètes et sans panachage. L’élection des représentants des enseignants-chercheurs et des personnels assimilés a lieu au scrutin plurinominal majoritaire à deux tours.

 

(Ce mode de scrutin est le seul compatible avec les objectifs de la réforme : la promotion de la qualité et de l’efficacité. Le scrutin de liste suppose la formation de coalition qui ne trouve leur ciment que dans des logiques politisées. Le scrutin plurinominal majoritaire favorise l’émergence des compétences.)

 

Supprimer l’actuel alinéa 3 : « Pour les élections des représentants des enseignants-chercheurs et des personnels assimilés au conseil d’administration, il est attribué à la liste qui obtient le plus de voix un nombre de sièges égal à la moitié des sièges à pourvoir. Les autres sièges sont répartis entre toutes les listes à la représentation proportionnelle au plus fort reste. »

 

(Disposant des pouvoirs d’un directeur d’IUT, le nouveau président d’université serait élu comme un maire, avec une prime majoritaire. Le risque de politisation de son élection peut être amendé en passant du scrutin de liste au scrutin plurinominal, ou bien en permettant le panachage.)

 

 

Article 16

 

Compléter l’art. L. 954-1 : « Le conseil dadministration définit, dans le respect des dispositions statutaires applicables et des missions de formation initiale et continue de l’établissement, les principes généraux de répartition des obligations de service des personnels enseignants et de recherche entre les activités denseignement, de recherche et les autres missions qui peuvent être confiées à ces personnels, après avis, s’agissant des enseignants-chercheurs, du conseil scientifique en formation restreinte aux personnels considérés. »

 

Modifier l’art. L. 954-2 : « Le président est responsable de l’attribution des primes aux personnels qui sont affectés à l’établissement, selon des règles générales définies par le conseil d’administration. Les primes scientifiques sont accordées sur proposition du conseil scientifique. »

 

(Le conseil d’administration de la nouvelle université est avant tout un organe d’orientation stratégique de la recherche et de la formation. Sa composition en est le reflet : elle le prive d’une compétence fine sur l’opportunité de l’attribution de primes individuelles, lesquelles relèvent d’une logique purement scientifique.)

 

Compléter l’art. L. 954-2, 2e alinéa : « Le conseil dadministration peut créer des dispositifs dintéressement permettant daméliorer la rémunération des personnels, après avis conforme du conseil scientifique en formation restreinte s’agissant des enseignants-chercheurs. »

 

Compléter l’art. L. 954-3 2o : « Pour assurer, par dérogation au premier alinéa de larticle L. 952-6, des fonctions denseignement, de recherche ou denseignement et de recherche, après avis conforme du comité de sélection prévu à larticle L. 952-6-1. »

 

 

Article 20

 

(Cet article prévoit que « les chercheurs des organismes de recherche, les chercheurs et les enseignants-chercheurs contractuels qui exercent des fonctions d’enseignement ou de recherche dans les universités participent à la vie démocratique des établissements ». L’« exposé des motifs » ajoute qu’« à cette fin, ces derniers, parmi lesquels les allocataires de recherche-moniteurs, sont assimilés aux enseignants-chercheurs pour leur participation aux différents conseils et instances des établissements ». Cette possibilité d’assimilation des allocataires de recherche-moniteurs doit être corrigée : les allocataires, étudiants de troisième cycle, ne peuvent pas, statutairement, voter dans le collège des autres enseignants-chercheurs, notamment au conseil d’administration.)

 

 

Article 21

 

(Les décisions de recrutement – investissements à long terme – sont les plus importantes pour l’avenir d’un établissement. Les amendements proposés visent à respecter le principe de collégialité et à informer le conseil scientifique et le conseil d’administration du point de vue de la faculté. Ils visent aussi à prévenir le localisme et le clientélisme.)

 

Modifier l’art. L. 952-6-1, 1er alinéa : « Sous réserve des dispositions statutaires relatives à la première affectation des personnels recrutés par concours national d’agrégation d’enseignement supérieur, lorsqu’un emploi d’enseignant-chercheur est créé ou déclaré vacant, les candidatures des personnes dont la qualification est reconnue par l’instance nationale prévue à l’article L. 952-6 sont sélectionnés par un comité de recrutement créé par délibération du conseil d’administration, sur proposition du conseil scientifique siégeant en formation restreinte aux représentants élus des enseignants–chercheurs et des personnels assimilés. Les enseignants-chercheurs de la discipline en poste dans l’université sont consultés, notamment en l’absence de représentation suffisante de la discipline concernée au conseil scientifique. »

 

(Le conseil d’administration est un organe d’orientation stratégique et de décision en dernière instance. Les prérogatives scientifiques doivent revenir au conseil scientifique, doté d’un pouvoir de proposition. Ce dernier conseil doit représenter, à mesure de leur importance dans l’université, toutes les composantes. À défaut, il ne devrait pas pouvoir prendre d’initiative dans un domaine relevant d’une discipline non représentée sans avis des enseignants-chercheurs de la discipline concernée en poste dans l’université. Les recrutements sont de la compétence des universitaires de la discipline. Non représentés dans un conseil central en nombre ou qualité suffisant, ils doivent être associés directement, par une consultation spécifique : tel est le sens du principe d’indépendance constitutionnelle des universitaires.)

 

Modifier l’art. L. 952-6-1, 2e alinéa : « Le comité est composé d’enseignants-chercheurs et de personnels assimilés, pour moitié au moins extérieurs à l’établissement, d’un rang au moins égal à celui postulé par l’intéressé. Ses membres sont choisis en raison de leurs compétences, en majorité parmi les spécialistes de la discipline en cause et après avis sur proposition du conseil scientifique. En l’absence d’avis rendu par le conseil scientifique dans un délai de quinze jours, l’avis est réputé favorable. Le comité siège valablement si au moins la moitié des membres présents sont extérieurs à l’établissement. La composition du comité de sélection est rendue publique, ainsi que les titres et travaux de ses membres. »

 

Créer un 3e alinéa : « Nul ne peut être recruté pour la première fois dans l’université où il a soutenu sa thèse, ou changer de corps dans la même université, sauf dérogation motivée accordée par le bureau de la section compétente du Conseil national des universités, le tout sans préjudice des recrutements des professeurs par la voie des concours nationaux. »

 

(La logique concurrentielle, qui seule permet de promouvoir la qualité, impose d’éviter les complaisances, et donc les recrutements locaux. Cependant, ils sont parfois indispensables à la pérennité d’un laboratoire ou centre de recherches pour des disciplines rares. D’où l’interdiction de principe et l’exception maintenue. Si la règle apparaît trop brutale, il faudrait procéder autrement, par une incitation à la mobilité : « Quiconque est recruté dans un établissement autre que celui où il a soutenu sa thèse, ou bien où il a été maître de conférences, bénéficie d’un avancement de carrière d’un échelon par rapport à ce qu’il en serait en demeurant sur place. »)

 

Modifier l’actuel 3e alinéa : « Au vu de son avis motivé et sous réserve de l’absence d’avis défavorable du président, tel que prévu à l’article L. 712-2, et après consultation du collège des enseignants-chercheurs de l’établissement relevant de la section concernée du Conseil national des universités et d’un rang au moins égal à celui postulé, le conseil d’administration, siégeant en formation restreinte aux enseignants-chercheurs et personnels assimilés de rang au moins égal à celui postulé, transmet au ministre le nom du candidat dont il propose la nomination. »