QSF et le débat sur la recherche en France de l’hiver 2004
18 février 2004

Depuis plusieurs mois, la recherche en France, son état et son avenir, font l’objet d’un débat qui mobilise les chercheurs et l’opinion. La situation, grave, demande que l’Association pour la Qualité de la science française (QSF) rappelle ses positions et fasse connaître ses propositions.

1. Rappel des positions historiques de QSF

L’Association pour la Qualité de la science française, créée en 1982, a pour mission de défendre et de promouvoir la qualité et la créativité de l’enseignement supérieur et de la recherche en France, conditions indispensables de la compétitivité de la science, du développement de l’économie, et de la diffusion de la culture.

QSF est attaché au maintien des grands organismes de recherche (CNRS, Inserm, Inra, etc.), qui ont démontré, par la qualité de leurs travaux, leur légitimité. Ces organismes sont étroitement liés aux universités, où est mené, notamment dans le cadre de laboratoires associés, l’essentiel de la recherche fondamentale.

QSF, qui a toujours été favorable à une mobilité accrue entre l’enseignement supérieur et la recherche, souhaite la multiplication des passerelles entre toutes les institutions abritant la recherche, organismes publics et entreprises privées, grandes écoles et universités, sans exagérer les coupures, car une part significative des travaux de pointe se fait dans des Unités mixtes de recherche (UMR) entre CNRS et universités.

QSF a souvent regretté que les crédits de recherche des universités ne reflètent pas l’importance de la recherche qui s’y fait ; que leurs moyens en personnel technique et administratif soient insuffisants ; que leurs bibliothèques restent pauvres. QSF regrette notamment que le rythme de croissance du budget de la recherche ait été très inférieur à celui de l’enseignement supérieur depuis quinze ans.

QSF a dénoncé la stagnation du budget des universités depuis 2002, ainsi que la réduction du budget de la recherche en 2003.

2. Bref état des lieux de la recherche

Les conditions de l’enseignement supérieur et de la recherche se détériorent en France. Leur état est désormais connu de l’opinion publique, grâce à plusieurs documents récents dont la presse s’est fait l’écho : rapport du Conseil économique et social sur la recherche, adopté le 17 décembre 2003 (CES) ; rapport Éducation et croissance de Philippe Aghion et Élie Cohen pour le Conseil d’analyse économique (CAE), rendu public le 20 janvier 2004, et observant que notre système d’enseignement supérieur freine l’innovation et la croissance du pays ; classement des 500 premières universités mondiales par l’université de Shanghaï, diffusé en janvier 2004, et reléguant très bas les établissements français ; pétition des chercheurs " Sauvons la recherche ! ", lancée le 7 janvier contre les restrictions budgétaires subies depuis 2002 ; rapport de l’Inspection générale des finances (IGF) sur le CNRS, révélé dans L’Express du 2 février ; rapport 2003 de la Cour des comptes sur le ministère de la recherche, publié le 4 février.

Pour la recherche civile, la France compte neuf EPST (établissements publics à caractère scientifique et technique, dont le CNRS, l’Inserm, l’Inra), une dizaine d’Epic dans le nucléaire, l’espace ou l’environnement (établissements publics à caractère industriel et commercial, dont le CEA), de nombreuses institutions de statut privé avec des financements publics (Institut Curie, Institut Pasteur), les 98 universités, les grandes écoles, et les entreprises privées.

En 2003, le budget civil de la recherche (8,8 milliards d’euros) a régressé (hors reports) de 1,3 %, entraînant une baisse de 13,3 % des moyens nouveaux alloués aux organismes de recherche. Deux annulations de crédits, de 100 et 43 millions d’euros, sont intervenues en mars et octobre. Enfin, l’État n’a pas versé aux organismes une partie de leur subvention 2002. Les baisses de crédits, ajoutées aux annulations de crédits et au non-paiement des crédits votés par le Parlement, ont mis de grands organismes comme l’Inserm, l’Inra ou le CEA au bord de la faillite.

Le CNRS (11 400 chercheurs, 13 600 ingénieurs, techniciens et administratifs), dont les crédits de fonctionnement inscrits dans la loi de finances 2003 (2,5 milliards d’euros), étaient en baisse de 17 %, a subi, comme tous les autres organismes, plusieurs annulations de crédits en cours d’année. En décembre 2003, il n’avait toujours pas reçu 50 % des crédits de fonctionnement de l’année 2002, soit 172 millions d’euros, dont l’État s’est engagé en janvier 2004 à verser une partie (103 millions) en 2004, et le complément en 2005. La ministre de la recherche a ainsi promis que les crédits gelés en 2002 "seront versés en 2004 et 2005 en fonction des besoins". C’est en intégrant ces 103 millions de 2002 que le CNRS, qui ne dispose plus de réserves, a pu boucler son budget 2004.

Certes, le budget 2004 de la recherche est en hausse (+ 3,9 %), compte tenu de la création, hors budget, d’un " fonds de priorités " de 150 millions alimenté par des recettes de privatisations, et du renforcement de fonds incitatifs ministériels. Mais les crédits de fonctionnement des organismes, eux, ont été reconduits à leur niveau de 2003 et ne compensent donc pas les pertes subies depuis 2002.

Lors de la présentation de ses vœux aux " forces vives " de la nation en janvier 2004, le chef de l’État a annoncé la présentation, dans les semaines suivantes, d’un " plan national " destiné à donner " une impulsion nouvelle à l’effort de recherche et de développement, aujourd’hui insuffisant ". Il a ajouté que " d’ici 2010, notre effort national de recherche, tout compris, devra être porté d’un peu plus de 2 % à 3 % du PIB ". Une nouvelle loi d’orientation de la recherche, qui devrait être adoptée avant la fin de 2004, " permettra de renforcer nos pôles nationaux de recherche et de soutenir de grands projets nationaux et internationaux ".

Ces annonces viennent tard et leur crédibilité est faible. Jacques Chirac reprend pour la France l’objectif de l’Union européenne, fixé au Conseil européen de Barcelone en mars 2002, de 3 % du PIB consacré à la recherche et au développement en 2010 (pour 1,9 % actuellement dans l’UE), répartis en 1 % de recherche publique et 2 % de recherche privée. Pour atteindre cet objectif en Europe, il faudrait augmenter l’effort de recherche de 8 % par an, 6 % pour le public et 9 % pour le privé.

La France, elle, consacre déjà 0,93 % de son PIB à la recherche publique, en tête des pays développés, contre 0,82 % pour les États-Unis, 0,81 % pour l’Allemagne, 0,67 % pour la Grande-Bretagne, 0,64 % pour le Japon, et 0,73 % pour l’ensemble de l’Union européenne (indicateurs 2002 de la Commission européenne).

En revanche, la contribution à la recherche des entreprises françaises est l’une des plus faibles : 1,36 % du PIB, contre 2,11 % pour le Japon, 2,03 % pour les États-Unis, 1,8 % pour l’Allemagne, et 1,26 % pour l’UE. Pour atteindre l’objectif de 2 % du PIB en 2010, la dépense de recherche et développement du secteur privé devrait passer d’environ 20 milliards d’euros en 2002 à 30 milliards d’euros en 2010, soit une croissance annuelle moyenne – improbable suivant le CES – de 6 %.

D’autre part, la recherche française est concentrée dans quelques domaines. Un quart de la dépense publique de la recherche française est consacré au secteur militaire (0,23 % du PIB sur 0,93 % consacré à la recherche). En outre, du côté de la recherche civile, quelques grands programmes (espace, aéronautique, nucléaire) absorbent une part significative des budgets publics (0,2 %), laissant 0,5 % pour tout le reste.

L’objectif fixé par le président de la République semble d’autant moins réaliste que la France est, de tous les pays développés, celui qui a le moins augmenté son effort de recherche ces dernières années, suivant les statistiques de la Commission européenne : + 1 % par an entre 1995 et 2000, contre 3,4 % pour l’Union européenne et 5,7 % pour les États-Unis.

Les problèmes sont donc bien connus : faiblesse relative du financement de l’enseignement supérieur et de la recherche en France ; insuffisance de la recherche privée ; écart croissant entre la recherche française et la " frontière technologique " américaine ; dégradation de la croissance de la productivité nationale ; perte d’attractivité de nos universités sur le marché mondial des formations ; fuite des meilleurs enseignants-chercheurs et étudiants à l’étranger.

La détérioration se mesure notamment à l’impact des publications scientifiques (7e rang en Europe, derrière l’Allemagne ou les Pays-Bas, auprès de la Belgique et de la Finlande, suivant le CES), ou aux prises de brevets (7e rang en Europe pour le nombre de brevets rapporté au PIB, et en dégradation rapide, suivant le CES).

Jean-Marie Lehn, prix Nobel de chimie, résume ainsi le défi : " Si nous ne corrigeons pas, et de façon très forte, la tendance actuelle et les financements disponibles, le différentiel entre les États-Unis et l’Europe ne cessera d’augmenter " (Le Monde, 11 janvier 2004). Au début du xxie siècle, la croissance de la France est pénalisée parce qu’on n’y dépense pas assez pour l’enseignement supérieur et la recherche, et le temps nous est compté pour combler un retard cumulatif.

C’est le moment que le gouvernement a choisi, à quelques semaines des élections régionales, pour annoncer le 10 février qu’il débloquait 1,5 milliard d’euros sur les dix-huit mois à venir pour un plan national d’allégement massif des charges des restaurateurs.

3. QSF et la pétition " Sauvons la recherche ! "

QSF approuve les grandes orientations de la pétition des chercheurs, " Sauvons la recherche ! ", lancée le 7 janvier 2004, que de nombreux membres de QSF ont signée à titre individuel : " La France a besoin d’une recherche vigoureuse. Cette activité est indispensable aux innovations de demain, au développement économique de notre pays, ainsi qu’à son rayonnement culturel. Dans la conjoncture actuelle, les pays qui ne maintiendront pas un outil de recherche d’excellence seront incapables de suivre l’accélération de l’évolution économique associée à la production des connaissances. Plus grave encore, ils deviendront rapidement incapables de former les jeunes générations de manière compétitive. Ils entreront donc dans une dépendance économique difficilement réversible. "

Les auteurs de la pétition – tous directeurs d’unité qui menaçaient de démissionner le 9 mars si leurs revendications n’étaient pas satisfaites – demandaient le versement immédiat des sommes dues par l’État aux organismes de recherche ; une augmentation significative du nombre des emplois proposés aux jeunes chercheurs en 2004 ; la tenue d’assises nationales de la recherche, visant à sa refondation et débouchant sur une politique pluriannuelle d’embauche et des perspectives de carrière attractives pour les jeunes chercheurs.

La pétition, qui a suscité l’adhésion immédiate de la communauté scientifique, réunissait près de 50.000 signatures à la mi-février. On peut cependant regretter la confusion produite par le mélange, auprès des directeurs de laboratoire menaçant de démissionner, de toutes sortes d’acteurs de l’enseignement supérieur et de la recherche, dont des techniciens, doctorants, étudiants, etc., avec ce résultat qu’apparaît moins clairement le soutien réel – assurément important – recueilli par la pétition auprès des responsables d’équipes de recherche.

Comme les chercheurs pétitionnaires, QSF est favorable à la tenue d’états généraux ou d’assises nationales, afin de poser un diagnostic précis et de réfléchir aux priorités de la recherche française pour la prochaine génération.

À son tour, la ministre de la recherche a annoncé le 10 février une concertation collective sur l’avenir de la recherche, dont la supervision sera confiée à un comité d’experts.

On peut toutefois penser que nous n’en sommes plus à l’époque d’un grand rassemblement national de la recherche, sur le modèle, généralement évoqué, du colloque de Caen de 1956, réunissant des scientifiques, des membres de la société civile, des industriels, des journalistes, qui réfléchiraient ensemble aux différentes façons d’améliorer et de redynamiser le système de recherche français.

La Cour des comptes a noté la trop faible participation de la France aux réseaux d’excellence européens et aux programmes cadres de recherche développement (PCRD), qui fixent de plus en plus les orientations des équipes de recherche en Europe. La France est insuffisamment présente dans la recherche européenne.

La Commission européenne projette de doubler d’ici 2010 le budget communautaire consacré à la recherche dans l’Union élargie. Les crédits européens pourraient passer de 5 milliards d’euros actuellement à plus de 10 milliards d’euros au début de la prochaine décennie, somme qui représenterait 10 % de la recherche publique en Europe.

Le contexte de la réflexion sur la recherche en France est désormais européen. La France doit, notamment par des réformes statutaires, permettre aux organismes et aux chercheurs français de mieux prendre place dans le nouvel espace européen de la recherche.

Les chercheurs pétitionnaires ont raison de se soucier en priorité de l’avenir des doctorants et de la réduction du nombre des postes qui leur sont offerts en 2004 (30 postes par exemple à l’Inserm en 2004, contre 95 en 2002).

À plus long terme, la Cour des comptes observe elle aussi les carences de la politique de renouvellement des équipes de chercheurs français, dont " l’âge moyen est le plus élevé de l’Union européenne ". Elle s’inquiète du fait que " les perspectives de départ massif en retraite d’ici 2010 constituent, pour les prochaines années, des défis dont il n’apparaît pas que les moyens de les relever soient déjà en place ". Entre 2005 et 2012, environ 50 % des chercheurs actuellement en poste quitteront leurs fonctions. Or, dans le même temps, " la désaffection des étudiants pour les études scientifiques met à l’épreuve la capacité de la France à renouveler les professionnels de la recherche ".

Reçus par la ministre de la recherche le 16 janvier, les représentants des chercheurs pétitionnaires ont précisé que leur principale revendication était " un collectif budgétaire permettant des ouvertures de postes ". Ils veulent, avant tout, obtenir le rétablissement des 550 postes statutaires (200 de chercheurs et 350 d’ingénieurs ou de techniciens) supprimés par le budget 2004 dans les organismes publics et remplacés par des contrats à durée déterminée de trois ou cinq ans. Ils réclament aussi la création d’un " nombre significatif " de postes d’enseignants-chercheurs dans les universités.

D’abord pris de court, les syndicats de la recherche et de l’enseignement supérieur ont fait d’" un plan d’urgence " pour " sauver l’emploi scientifique et le service public de recherche ", la revendication principale du mouvement à partir de la journée d’action du 29 janvier.

On peut regretter que le débat sur les carrières ouvert par la pétition se soit rapidement circonscrit autour du rétablissement de 550 postes permanents au CNRS et autres EPST en 2004, et que la discussion sur les postes de post-doctorants qui avaient été annoncés à leur place ait été oblitérée.

4. Pour un effort de financement, public et privé, mais aussi pour des réformes de structure

Si la recherche doit pouvoir compter sur des ressources humaines stables, protégées des " coups d’accordéon " budgétaires du recrutement – ce qui n’est pas le cas aujourd’hui –, cette exigence n’implique pas que les emplois doivent nécessairement être attachés à des postes permanents dans les EPST. Une meilleure mobilité entre les universités et les EPST, ainsi que la modulation individuelle des services entre l’enseignement et la recherche dans les universités, bref, une gestion plus souple des carrières de la recherche et de l’enseignement, sont des objectifs originels de QSF.

La recherche américaine, prise pour référence dans la pétition " Sauvons la recherche ! ", repose sur les universitaires et compte peu de postes de chercheurs permanents (armée, NASA, etc). " Les États-Unis, rappelle Jean-Marie Lehn, ont une approche beaucoup plus pragmatique. Ça ne veut pas dire qu’elle soit idéale. La National Science Foundation reçoit des projets, les fait examiner [...] et alloue ensuite l’argent. En Europe, on se fonde plus sur un financement global sur la base des activités passées que sur les projets. Il faudrait un système ayant la souplesse et le financement sur projet de type américain, hybridé avec un peu de stabilité. Pas mal de nos collègues américains nous envient cette possibilité de disposer de personnel compétent restant plus longtemps que les trois à quatre années de thèse ou de post-doctorat. Quant à l’instabilité, elle permet de varier les expériences, les idées. Ce n’est ni facile ni toujours agréable, mais en science il faut s’interroger constamment sur la validité de ce que l’on fait. "

Exemple de rigidité française : le rapport de l’IGF note qu’au CNRS la " répartition en valeur relative des moyens entre les différents départements scientifiques n’a guère évolué " durant les années récentes. Alors que les sciences de la vie, les sciences et technologies de l’information et de la communication (Stic), l’environnement sont promus par le discours officiel de l’institution, le budget est soumis à une " logique de reconduction " des crédits. Au lieu d’encourager les laboratoires les plus performants et de fonder les décisions de financement sur l’évaluation des projets, on tend à distribuer effectifs et crédits indépendamment des résultats passés et prévisibles.

QSF est favorable à un système de recrutement moins centralisé et plus flexible, responsabilisant davantage les directeurs de laboratoire. Le rapport de l’IGF envisage la sortie progressive des chercheurs du statut de la fonction publique, obtenu en 1983. La création récente d’une nouvelle catégorie de contrats à durée déterminée, hors statut, va dans le sens d’une plus grande souplesse de l’emploi scientifique.

Des contrats initiaux à durée limitée (3 ou 5 ans) assureront la stabilité nécessaire de la recherche à condition qu’à l’issue de ces contrats un avenir soit offert aux chercheurs :

1. ces contrats soient renouvelables au-delà du premier en début de carrière ;

2. des postes, notamment d’enseignants-chercheurs et d’enseignants, soient prévus pour ceux qui ne poursuivraient pas leur carrière dans un organisme de recherche ;

3. le développement des contrats à durée limitée ne soit pas exclusif de postes permanents, ni n’interdise la titularisation des meilleurs chercheurs au terme d’un ou de plusieurs contrats post-doctoraux.

L’une des raisons pour lesquelles la fuite des cerveaux reste moindre en France qu’en Angleterre et en Allemagne tient à l’existence du CNRS et autres EPST, structures qui n’ont pas leur équivalent dans les autres pays européens, qui demeurent attractives, et qu’il convient de faire évoluer sans les affaiblir.

Tout en souhaitant que les EPST affectent plus de moyens sous la forme de contrats de 3 à 5 ans renouvelables en début de carrière, et que la majorité des postes fixes relève à l’avenir des universités, comme dans la plupart des grands pays scientifiques, QSF met donc en garde contre le passage brutal d’un système de recrutement permanent à 100% dans les EPST, à un système de recrutement temporaire à 100%.

QSF pose enfin comme condition de cette évolution qu’elle s’effectue dans un contexte d’effort en faveur de la recherche, donc de croissance substantielle et continue du budget de la recherche.

Suivant QSF, les chercheurs et les universitaires ont raison de demander un financement public et privé accru, mais des réformes de fond sont inévitables, relatives notamment au statut des chercheurs, des enseignants-chercheurs et des enseignants, afin de permettre la mobilité et la modulation entre l’enseignement et la recherche, entre les universités et les EPST.

5. Recommandations

Le président de la République a affirmé vouloir porter l’effort de recherche de la France à 3 % du PIB en 2010. S’il ne s’agit pas d’une promesse vaine, des efforts accrus en faveur de la recherche sont attendus du gouvernement dès 2004.

En rester aux mesures immédiates réclamées par " Sauvons la recherche ! " et reprises par la majorité des syndicats de la recherche et de l’enseignement supérieur – rétablir 550 postes de fonctionnaires chercheurs et ingénieurs, restaurer les dotations récurrentes des laboratoires au niveau 2002, verser les crédits annulés depuis cette date – ne réglerait rien aux problèmes de fond de la recherche en France.

Une réflexion sur l’avenir de la recherche fondamentale en France et en Europe s’impose, abordant non seulement le financement, mais aussi les statuts, notamment celui des post-doctorants et des chercheurs, les modalités et la durée de leur recrutement, les passerelles entre les universités et les organismes de recherche.

La " logique de la reconduction " des crédits dans les organismes de recherche doit être corrigée par la prise en compte effective, dans toutes les décisions de financement, de l’évaluation ex post et ex ante, c’est-à-dire des résultats et des projets.

L’insuffisance de la recherche du secteur privé, donnée particulière à la France, est un problème crucial, sans solution en vue. Les incitations fiscales, inscrites dans le budget 2004 et chiffrées par le gouvernement à plus de 1 milliard d’euros, seront insuffisantes, dans une conjoncture économique peu favorable aux investissements des entreprises en recherche et développement, pour provoquer le bond en avant indispensable si la part de la recherche privée doit être portée à 2 % du PIB en 2010.

En amont, la promotion de l’enseignement scientifique, aujourd’hui négligé par les jeunes Français, est indispensable, ainsi que la définition de grands projets, nationaux et européens, et une présence plus soutenue de la recherche française en Europe.