Recommandations de l’association " Qualité de la science francaise " (QSF)
au " Comité d’initiative et de proposition " (CIP)
sur les universités et la recherche

 Ces recommandations sont le produit d’une série de réunions de QSF durant le printemps de 2004. Elles supposent que l’enseignement supérieur et la recherche soient des priorités nationales. Elles prennent position sur quelques points cruciaux.

Pour un statut unique. Contre un statut uniforme.

Pour l’affiliation de tous les personnels à une université lors de leur recrutement initial.

Pour le maintien d’un nombre limité d’organismes de recherche séparés des universités, avec des personnels détachés des universités.

Pour des détachements à la recherche à temps plein, dans des laboratoires universitaires ou non, en début de carrière notamment, permettant de se consacrer entièrement à la recherche durant quelques années (jusqu’à 4 ou 5 ans), par contrats éventuellement renouvelables, suivis de retours assurés dans l’institution d’embauche initiale.

Pour des détachements ouverts à tous, sur la base de projets de recherche collectifs ou individuels, soumis à des agences de moyens et évalués par des instances indépendantes de ces agences et transparentes dans leur composition et leurs critères.

Pour un service de l’enseignant chercheur défini autrement que par la seule charge d’enseignement présentiel (les fameuses 192 heures) et tenant compte d’autres missions.

Pour un service non nécessairement uniforme dans toutes les disciplines, ni dans toutes les universités, ni à tous les moments de la carrière

Pour des décharges de service temporaires – sabbatique ou allègement de l’enseignement – tenant compte de la recherche ou d’autres missions.

Pour le recrutement de tous les enseignants et chercheurs suivant les mêmes critères de qualité scientifique nationale et internationale.

Pour des freins au localisme tendanciel des établissements, donc pour l’évaluation des personnes, des équipes et des projets par des instances non locales. Pour que les établissements locaux en tiennent compte dans toutes leurs décisions.

Pour un recrutement à double détente, avec qualification préalable par une instance d’évaluation nationale, ou avec décision finale par une instance nationale sur proposition des établissements.

Pour une incitation à la mobilité des personnes. Pour que le pourcentage des recrutements externes devienne un indicateur de qualité des établissements. Pour l’autonomie progressive du recrutement dans les établissements qui respectent un certain nombre de critères de qualité définis et observés par une instance d’évaluation nationale.

Contre – à court, moyen et aussi long terme – un budget global de recherche alloué aux établissements (demande de la CPU, méconnaissant le rôle de l’émulation hors de leur université pour les équipes de recherche).

Pour une agence unique d’évaluation périodique des structures (se substituant au CoNRS et à la MSTP), dans les organismes et les universités, suivant les mêmes critères publics.

Pour une évaluation régulière des personnes par une agence unique (se substituant au CNU et au CoNRS), dans tous les établissements d’enseignement et de recherche, suivant les mêmes critères publics.

Pour plusieurs instances d’évaluation des projets, afin que l’innovation et l’excellence aient le plus de chances d’être reconnues.

Pour plusieurs agences de moyens finançant des projets en tenant compte d’évaluations indépendantes.

Pour des procédures adaptées à la nature de la recherche dans les différentes disciplines. Pour la prudence dans l’usage des indicateurs quantifiés, bibliométriques notamment, pertinents seulement là où les articles constituent l’essentiel de la diffusion de la recherche, dans de grandes revues internationales dont la hiérarchie fait l’objet d’un consensus. Pour d’autres moyens d’expertise là où les articles ne sont pas l’essentiel, mais les monographies (SHS), ou les brevets, etc.

Pour la vigilance face aux effets pervers de l’évaluation périodique, notamment à l’égard des procédures (type RAE britanniques) qui risquent de décourager les travaux de longue haleine, d’inciter excessivement à la recherche sur commande, de favoriser les grands projets collectifs – parfois artificiels – au détriment de l’originalité non programmée.

Pour l’encouragement au travail en équipe, sans exclure la recherche individuelle dans les disciplines où, historiquement, l’essentiel de la recherche a été réalisée par des chercheurs individuels.

Pour l’évaluation et le financement des projets de recherche dans le cadre d’une équipe, mais aussi pour l’évaluation et le financement des projets de recherche individuelle. Pour le maintien de la reconnaissance de la recherche individuelle, là où elle est et restera pertinente et valorisée.

Les scientifiques semblent faire confiance aux évaluateurs nommés (au CNU par exemple) ; en SHS, la méfiance pour les nommés est forte. Rien ne garantit actuellement ni que les élus ni que les nommés aient les compétences et l’excellence scientifique requises pour évaluer équipes, personnes et projets.

La seule évaluation sûre est l’évaluation ad hoc, réunissant au coup par coup les experts les plus compétents (peer review) en fonction des équipes, personnes, projets à évaluer. L’évaluation par des experts étrangers est fréquemment évoquée comme une solution idéale. Or la particularité des structures de la recherche en France tend à rendre les audits externes d’experts étrangers insuffisamment pénétrants et rentables. En revanche, l’efficacité de l’expertise étrangère n’est plus à prouver pour l’évaluation et l’interclassement des personnes et des projets (au coup par coup, sans comités permanents).

L’idée de listes d’aptitude à l’évaluation émanant des académies ou autres hautes institutions censément impartiales revient souvent (Académies, Collège de France, IUF...). Ce n’est pas non plus la panacée. L’hypothèse devrait cependant être examinée d’un Conseil supérieur de la Recherche indépendant du pouvoir politique, composé d’experts internationalement reconnus, qui serait chargé de définir les grands programmes nationaux, ainsi que d’établir une liste d’aptitude d’experts régulièrement renouvelée.

En cas d’élection des évaluateurs, pour le scrutin uninominal à un tour plutôt que le scrutin de liste (type CNU), ou que le scrutin uninominal à deux tours (type CoNRS), qui privilégient les démarches syndicales là où elles sont peu légitimes. En cas de scrutin de liste, pour le panachage.

Pour l’élection d’un comité dont la seule fonction serait de nommer les évaluateurs en respectant des règles de nomination : proportion d’étrangers, impossibilité pour ces élus de se nommer eux-mêmes évaluateurs, attention aux conflits d’intérêt.

Aux deux niveaux (comités élus de nomination, comités nommés d’experts), pour des mandats échelonnés (du type un quart à remplacer tous les ans). Pour une limitation à deux mandats consécutifs. Contre toute autopromotion. Peut-être pour une fraction de membres cooptés (par exemple par l’ancien comité).

Contre des instances d’évaluation dont les membres sont juges et parties. Contre la participation du corps B (MC et CR) aux choix et aux promotions du corps A (PR et DR). Donc, sur ce point, résolument contre le fonctionnement actuel de l’évaluation des personnes dans les sections du CoNRS, et contre son extension.

Pour une évaluation régulière, extérieure à leurs établissements, des activités des universitaires et des chercheurs – ou en tout cas de ceux qui en font la demande. Pour une modulation périodiquement révisable des charges d’enseignement, suivant les disciplines, les universités, les individus, en fonction des structures et des projets (collectifs et individuels) de recherche. Mais très contre une surcharge d’enseignement présentée comme une sanction pour l’absence ou l’insuffisance des recherches (comme si qualités de la recherche et de l’enseignement n’allaient pas en principe de pair). Pour que les universitaires non évalués comme chercheurs soient déclarés inaptes à siéger dans les commissions de spécialistes, conseils scientifiques, commissions d’évaluation du type CNU ou CoNRS.

Probablement pas – en tous cas avant le long terme – pour une évaluation systématique de tous les universitaires par une agence nationale, procédure lourde, coûteuse pour tous en temps, vaine si cette évaluation reste sans effets, et visant de fait un nombre très réduit de collègues dont les cas devraient pouvoir être traités autrement.

Sur la base d’un statut unique, pour des décharges destinées aux enseignants chercheurs qui voudront justifier du fait qu’il ont d’autres activités que l’enseignement, qui postulent donc à un service d’enseignement allégé et qui demandent à être évalués dans ce but. Cette évaluation pourra porter sur différentes missions ; elle pourra être faite par différentes instances attribuant des décharges (établissements pour les missions les concernant, instance plus centralisées d’évaluation et/ou agences de moyens pour la recherche, etc.)

Contre un président élu par un collège électoral (CA, CS et Cevu) soucieux de cogestion syndicale plus que de collégialité (les professeurs y sont en minorité), d’excellence scientifique et de vision stratégique.

Pour un président appartenant au seul corps des professeurs. Pour la possibilité d’élire un président extérieur à l’établissement.

Contre la participation du Cevu (qui est une commission pédagogique) au collège électoral. Ou pour l’élection du président par les seuls professeurs et personnalités extérieures scientifiques du CA et du CS. Ou bien pour que la sélection du président soit confiée à une commission restreinte élue par le CA et le CS, commission qui fera une proposition au ministre (président de la CPU), ou à un Conseil supérieur de la Recherche et des Universités qui procédera aux nominations des présidents d’université et des directeurs des grands organismes, le CA conservant un pouvoir d’" empêchement " du président.

24/06/04