Remarques sur les " Propositions pour une modification du décret 84-431 portant statut des enseignants-chercheurs " présentées par le Président Bernard Belloc à Monsieur Luc Ferry
Antoine Compagnon, Professeur de littérature française à l’Université Paris IV-Sorbonne, Membre du Cneser, élu de la liste " Qualité de la science française "
11/11/2003
L’association " Qualité de la science française ", qui défend depuis sa création en 1982 le principe de la modulation individuelle des services des universitaires, se félicite que M. Luc Ferry, ministre de la Jeunesse, de l’Éducation nationale et de la Recherche, ait demandé au président Belloc de lui faire des propositions visant à modifier dans ce sens le statut des enseignants-chercheurs.
Nous approuvons les objectifs du rapport que M. Belloc a remis au ministre en octobre 2003, à savoir la reconnaissance formelle des différentes missions des enseignants-chercheurs (enseignement, recherche, administration, responsabilités collectives), et la différenciation – officielle, car elle existe déjà largement dans les faits – de leurs services, par le révision et l’assouplissement de la norme nationale définie exclusivement en heures d’enseignement par le décret de 1984 (192 heures d’équivalents TD). Nous sommes toutefois plus réservés sur les modalités d’application proposées par le président Belloc.
Les remarques qui suivent sont formulées avec le vœu que les difficultés de mise en œuvre d’un principe fondateur de QSF puissent être surmontées ; elles entendent contribuer au débat sur le rapport du président Belloc.
Quatre types d’enseignants
Pour l’essentiel, le président Belloc propose de distinguer quatre types d’universitaires en fonction du niveau de leurs recherches : les trois types supérieur, intensif ou standard, plus un quatrième type auquel M. Belloc ne donne pas de nom mais qui désigne l’enseignant à qui le label de chercheur est refusé, donc le " non chercheur ".
La deux niveaux moyens correspondent au plus grand nombre des universitaires : standard et intensif ; les deux niveaux extrêmes, supérieur et non chercheur, sont plus rares.
Les services types proposés sont les suivants pour les deux niveaux moyens :
Et pour les deux niveaux extrêmes :
La proportion entre le service d’enseignement de l’universitaire qui enseigne le moins et le service de celui qui enseigne le plus serait de 1 à 6. Un enseignant qui ne reçoit pas le label de chercheur enseigne jusqu’à six fois plus (384 heures) qu’un enseignant-chercheur qualifié de supérieur (64 heures). L’écart est considérable : il prouve que le rapport vise bien une différenciation réelle des services.
La certification des enseignants-chercheurs
Tout le problème est celui des modalités de reconnaissance des quatre types d’universitaires. Le président Belloc propose une évaluation systématique de tous les enseignants tous les quatre ans, donnant lieu à une certification (supérieure, intensive ou standard), le quatrième type (non chercheur) résultant de l’absence de certification (refusée à l’enseignant à la suite de l’évaluation systématique).
Remarquons d’abord que le terme de certification, juridique ou scolaire, est peu heureux pour désigner les qualités de chercheur d’un universitaire. Il suggère un titre, un examen.
Or nous estimons que ce ne sont pas les enseignants-chercheurs qui doivent être certifiés, mais leurs projets de recherche qui doivent être évalués et, non pas certifiés, mais, le cas échéant, validés et rétribués par une décharge d’enseignement et/ou une prime ou des fonds de recherche.
Nous reviendrons sur notre préférence pour une logique de la validation et de la rétribution des projets de recherche, mais commençons par entrer dans la logique de la certification des personnes, et voyons quelles difficultés d’application elle soulève.
Les instances de certification
Qui seraient les certificateurs ? Quelle serait leur légitimité ?
Le président Belloc propose une procédure de certification suivant laquelle tous les universitaires sont évalués périodiquement (tous les quatre ans) par des instances extérieures à leur établissement (des instances nationales, suivant M. Belloc), avant que, dans chaque établissement, le conseil d’administration propose au président, et que le président approuve, le service de chaque enseignant.
Les trois degrés ascendants de certification (standard, intensif, supérieur) sont décernés par trois instances distinctes et hiérarchisées :
Ce dispositif lourd, centralisé, rigide, appelle plusieurs réserves.
D’abord, il établit une hiérarchie entre trois instances d’évaluation nommément désignées : jury de l’IUF, MSTP, sections compétentes du CNU. Or ces instances, qui dépendent de modes de sélection et de désignation divers et plus ou moins opaques, souffrent toutes d’un déficit d’ancienneté et/ou de légitimité nationale et/ou internationale.
Ensuite, à l’heure de la Construction de l’espace européen de l’enseignement supérieur, il est paradoxal de proposer une procédure d’évaluation de la recherche exclusivement française, et même franco-française : les instances d’évaluation désignées sont d’une part nationales ; elles n’ont d’autre part aucun équivalent dans les autres grands pays scientifiques – particularités qui éveillent le doute.
Évoquons rapidement les raisons du déficit de légitimité de ces trois instances comme agences d’évaluation scientifique indépendantes.
Si le jury de l’IUF inclut une part notable de commissaires non français (11 sur 23) – ce qui est exceptionnel et excellent –, il ne tient pas moins compte dans ses décisions de considérations relatives à l’origine géographique des candidats et à la distribution des membres de l’IUF dans le territoire national, considérations qui peuvent être légitimes et opportunes du point de vue de la politique universitaire, mais qui sont manifestement discriminatoires et non scientifiques. Suivant les articles III et IV du règlement intérieur de l’IUF, les 2/3 de ses membres appartiennent en effet à des universités de province : cette clause, contraire à l’égalité des chances, suffit à disqualifier le jury de l’IUF comme agence libre et autonome d’évaluation de la recherche, la politique territoriale étant une forme de discrimination positive. Ne serait-ce que pour cette raison, donner au jury de l’IUF le monopole de la certification supérieure ne serait acceptable que si sa mission était étendue et qu’il était chargé de certifier aussi comme supérieurs des universitaires dont la candidature ne serait pas retenue à l’IUF, notamment à cause des quotas qu’il est contraint de respecter, ou encore des universitaires qui ne seraient pas candidats à l’IUF, mais seulement à la certification supérieure.
À défaut de cela, et pour que la légitimité de la certification supérieure ne soit pas contestable, celle-ci doit pouvoir prendre en compte la reconnaissance par d’autres instances d’évaluation que le jury de l’IUF, notamment internationales, par exemple l’appartenance à des académies étrangères, comme la British Academy ou l’American Academy of Arts and Sciences, ou bien le passage par de hautes institutions et fondations de recherche, comme le Wissenschaftskollegs de Berlin, l’Institute for Advanced Study de Princeton, les financements des NSF (National Science Foundation), NIH (National Institutes of Health) ou NEH (National Endowment for Humanities), les Guggenheim Fellowships, All Souls College à Oxford, l’Institut universitaire européen de Florence, etc.
Le choix de la MSTP pour délivrer la certification intensive est très contestable. La MSTP résulte d’une réorganisation récente de l’organigramme du ministère (arrêté du 16 avril 2003) et n’a pas l’autorité que donne l’ancienneté. Elle succède à la MSU (Mission scientifique universitaire), dont les membres n’étaient pas sélectionnés pour leur éminence scientifique, et qui procédait sans clarté à l’attribution des primes d’encadrement doctoral et de recherche (PEDR), prémisses des certifications envisagées aujourd’hui. Contrairement à ce qui avait été annoncé lors de la création de la MSTP, les textes régissant sa composition (directeurs scientifiques et chargés de mission), son fonctionnement, le mode de sélection et de désignation des experts dont elle s’entoure, la durée de leur mandat (on a parlé de quatre ans, le renouvellement se faisant par quart chaque année), rien de tout cela n’a encore été rendu public. Tant que son fonctionnement ne sera pas plus transparent, sa légitimité restera faible aux yeux de la communauté universitaire nationale et internationale.
Rien par exemple ne garantit que les directeurs scientifiques et experts de la MSTP, comme ceux de la MSU précédemment, soient eux-mêmes des enseignants-chercheurs de niveau dit intensif ou même standard. L’évaluation par les pairs, suivant la tradition universitaire, interdit que des enseignants-chercheurs certifiés comme standard, ou a fortiori non certifiés, puissent être chargés de la certification intensive de leurs collègues. Confier dans ces conditions la responsabilité d’une évaluation systématique des enseignants-chercheurs à la MSTP n’est pas acceptable.
Troisième instance de certification de la recherche individuelle, le CNU, censé délivrer la certification standard. Certes plus légitime que la MSTP, il ne fonctionne pourtant pas non plus avec l’indépendance et la transparence requises d’une agence d’évaluation scientifique. La déontologie de l’évaluation par les pairs exigerait que seuls des enseignants-chercheurs ayant une certification de niveau au moins standard y siègent, puisqu’il leur revient d’accorder la certification standard à certains de leurs collègues. Les modes de désignation au CNU (2/3 de membres élus sur listes principalement syndicales, 1/3 de membres nommés par le ministre) ne le garantissent pas.
Au demeurant, sous sa forme actulle, il est impensable que le CNU puisse évaluer en quatre ans l’ensemble des enseignants-chercheurs de France, soit chaque année examiner les dossiers du quart des universitaires et les certifier ou non comme chercheurs standard. Il n’est donc pas sérieux de faire comme si les sections du CNU pouvaient assumer cette tâche nouvelle et procéder à l’évaluation systématique de universitaires.
Bref, aucune des trois instances désignées par le président Belloc n’a la légitimité scientifique requise pour détenir chacune le monopole d’un type de certification des enseignants-chercheurs : soit le règlement intérieur de l’institution (IUF) fixe une mission de service public en contradiction avec l’évaluation exclusivement scientifique des dossiers, soit les textes n’assurent pas que les membres de l’instance jouissent eux-mêmes de la certification qu’ils ont pour mission de conférer.
Un premier remède au déficit de légitimité de ces trois instances serait, au lieu de les hiérarchiser, de les rendre parallèles et concurrentes, et de leur faire, non pas certifier des chercheurs de différents types, mais valider des projets de recherche.
Quoi qu’il en soit, la certification des enseignants-chercheurs, notamment supérieure, mais aussi intensive et standard, ne saurait être strictement française. Une réflexion doit donc être conduite pour établir quelles instances de reconnaissance non françaises devraient être tenues pour équivalentes des instances de certification françaises.
Appel, recrutements et promotions, congés, etc.
Dans le même souci de la diversification des instances d’évaluation et de leur mise en concurrence, nous ne sommes pas, à la différence du président Belloc, favorables aux procédures d’appel introduites par des enseignants-chercheurs qui n’auraient pas obtenu deux ans de suite leur certification standard par le CNU (ou leur certification intensive ou supérieure par la MSTP ou l’IUF, car pourquoi limiter l’appel au premier niveau ?). La garantie de l’indépendance de l’évaluation est la souveraineté des instances qui y procèdent.
En revanche, la garantie pour les enseignants-chercheurs de la prise en compte de leur recherche, aussi originale qu’elle soit, n’est pas la possibilité de lourdes procédures d’appel, mais, à chaque niveau, l’existence de plusieurs instances d’évaluation concurrentes auxquelles soumettre des projets de recherche. La concurrence de l’évaluation est la condition indispensable de la reconnaissance de l’excellence de la recherche dans sa diversité et sa nouveauté.
Par ailleurs, M. Belloc propose que, lors de leur recrutement ou promotion, les enseignants-chercheurs reçoivent automatiquement une certification dite intensive de quatre ans, au motif qu’il viennent d’être examinés par un jury de thèse de doctorat ou d’HDR, une section du CNU, puis une commission de spécialistes. Or, d’une part, les nouveaux nommés par les commission de spécialistes ne sont pas nécessairement les meilleurs des qualifiés par le CNU. D’autre part, cette proposition est incohérente, s’il revient à la MSTP, instance plus élevée que le CNU dans la logique des propositions de M. Belloc, de certifier le niveau intensif des enseignants-chercheurs en place : la déontologie veut qu’une instance de certification subalterne – dont tous les membres ne sont pas de niveau plus élevé – ne puisse pas décerner une certification plus élévée.
Toujours dans le même souci de pluralisme, nous n’approuvons pas la suggestion de M. Belloc de supprimer la procédure nationale d’octroi de congés pour recherche et conversion thématique. Là aussi, la diversité des instances d’évaluation est la condition de la diversité de l’excellence. Les congés doivent également pouvoir être sollicités auprès de plusieurs instances, notamment locale et nationale.
De même, nous ne sommes pas favorables à la suppression des primes de recherche attribuées nationalement, dont le rapporteur propose d’affecter l’enveloppe budgétaire aux universités. Là encore, les universitaires doivent pouvoir jouer de la concurrence de plusieurs instances d’évaluation et de financement, en particuliers locales et nationales.
Validation de projets de recherche versus certification des enseignants-chercheurs
La logique de la modulation individuelle des services ne nous semble pas devoir être celle de la certification des enseignants-chercheurs, mais celle de la validation de projets de recherche par une décharge temporaire d’enseignement et l’attribution d’un fonds ou d’une prime de recherche.
L’institution d’un régime de distinctions, dans une université et dans chacune de ses composantes, entre des enseignants plus ou moins chercheurs, risque de nuire à l’émergence souhaitée d’une culture de la responsabilité collective dans des universités plus autonomes. Ces distinctions ressemblent à l’octroi, fût-ce durant quatre ans, de privilèges. Aux États-Unis, où l’inégalité des services est patente entre les universités (on enseigne plus dans les collèges d’arts libéraux et la plupart des universités d’État, moins dans les grandes universités privées de recherche), ou entre les disciplines (on enseigne plus dans les humanités, moins dans les sciences), le différenciation reste nuancée et discrète dans un département, où le traitement de chacun résulte de son histoire, où les variations se situent à la marge (fonds de recherche, périodicité des congés), et où rien n’est affiché dans des titres ou certificats qui seraient préjudiciables au travail d’équipe.
Évaluer des projets plutôt que certifier des personnes, cela ne signifie pas que nous choisissions une évaluation ex ante et rejetions une évaluation ex post. À l’occasion de l’examen d’un nouveau projet de recherche, c’est évidemment l’ensemble d’un parcours scientifique qui est évalué, y compris les recherches antérieures d’un universitaire. Il n’y a donc pas lieu d’opposer ici évaluation ex post et évaluation ex ante. Toutefois, à la différence de la logique ex post de la certification des personnes, la logique de la validation et de la rétribution des projets met l’accent à la fois sur les réalisations et sur les potentialités de recherches qui se déroulent dans la durée d’une carrière.
Aux États-Unis, une seule institution ressemble à la certification des personnes proposée par le président Belloc, c’est-à-dire qu’elle accorde un titre, et elle est tout à fait exceptionnelle : c’est le MacArthur Fellows Program. À ses bourses de 500.000 dollars sur cinq ans, dites familièrement " Genius Fellowships ", on ne se porte pas candidat, on est sélectionné dans le secret après un longue enquête, et on apprend après coup sa nomination. Une institution aussi singulière et remarquable ne saurait servir de modèle à la modulation des services dans les universités de France.
Tous les enseignants-chercheurs doivent pouvoir déposer chaque année des projets de recherche, individuels et collectifs, devant des organes d’évaluation et de financement divers, régionaux, nationaux et internationaux. Ces organes d’évaluation ne doivent pas être hiérarchisés, mais parallèles et concurrents : tous doivent pouvoir accorder plus ou moins de décharge temporaire d’enseignement, sous la forme du financement d’un enseignement de substitution dans l’établissement de l’enseignant-chercheur dont le projet est validé. Autrement dit, la validation d’un projet de recherche par une des instances parallèles d’évaluation – la concurrence de ces instances étant la condition de la diversité et de la nouveauté de la recherche – doit donner lieu à une décharge d’enseignement (un quart, un tiers ou un demi-service), compensée par un financement permettant à l’établissement de remplacer l’enseignement manquant.
Si la logique est celle de la validation de projets de recherche par une décharge temporaire d’enseignement, et non pas celle de la certification des enseignants-chercheurs, il n’y a plus, certes, d’évaluation systématique des universitaires. Mais l’évaluation systématique proposée par le président Belloc – un quart des enseignants-chercheurs évalués chaque année par le CNU – est, nous l’avons vu, en tout cas utopique et, en l’état actuel des organes d’évaluation, peu souhaitable. Nous ne sommes pas persuadés qu’une évaluation systématique des universitaires par une instance extérieure à leur établissement, et nationale, soit opportune, du moins tant que les modes de sélection et de désignation des évaluateurs – élections sur listes, nominations politiques – n’assurent pas leur indépendance et leur éminence scientifiques.
En revanche, il nous semble juste que chaque enseignant chercheur remette tous les deux ans à son université un rapport d’activité, incluant non seulement ses enseignements et ses responsabilités collectives, mais aussi ses activités de recherche.
Heures complémentaires et primes
Le président Belloc ne propose pas d’abolir les heures complémentaires. Or, dans un système universitaire fondé sur la modulation individuelle des services, celles-ci n’ont plus de raison d’être : le service de chacun correspond à ses projets actuels, dans un équilibre momentané et révisable de son enseignement, de ses recherches et de ses responsabilités envers la collectivité, équilibre reconnu, suivant M. Belloc, par une instance d’évaluation extérieure à son université, et entériné par son Conseil d’administration et son président. Il faut donc y insister : le maintien des heures complémentaires n’est pas compatible en principe avec la modulation individuelle des services bien comprise.
En revanche, d’autres rémunérations complémentaires s’imposent. Par rapport à un service moyen tenant compte de l’enseignement, de la recherche et des responsabilités collectives, il est indispensable qu’un système de décharges (et de surcharges) d’enseignement et de responsabilités assez souple, ainsi que de primes d’administration, et de primes ou plutôt de fonds de recherche, soit mis au point. Nous n’approuvons donc pas non plus la suppression de ces primes en tant que telles proposée par M. Belloc.
Pour l’administration et les responsabilités collectives, décharges et primes sont relativement aisées à concevoir : par exemple, pour la direction d’une UFR, décharge d’un quart du service d’enseignement (48 heures sur 192) et prime d’administration.
Pour la recherche, le problème de l’évaluation et de sa prise en compte dans les services restera la bouteille à l’encre tant qu’une culture de la responsabilité ne se sera pas développée dans les universités. Si les directions de thèse et les directions d’équipe sont quantifiables, et peuvent être rétribuées – par exemple, décharge d’un quart du service d’enseignement et prime de recherche, à partir d’une certain nombre (à fixer) de thèses dirigées, ou pour la direction d’une équipe d’une certaine taille (à fixer) –, avec bien sûr des risques d’inflation ad hoc du nombre des thèses et de la taille des équipes, la réputation hors de son université, donc nationale et internationale, est le seul critère admissible, mais difficilement mesurable, de la qualité de la recherche individuelle. Celle-ci n’a donc pas fini de poser le problème de son évaluation.
Pour le résoudre, répétons que la meilleure voie ne nous semble pas la certification des personnes par des agences d’évaluation monopolistiques à la légitimité scientifique incertaine, mais la validation des projets à la suite d’une évaluation à la fois ex post et ex ante. Dans son université, un enseignant-chercheur supérieur se reconnaît à ses projets qui ont été validés au-dehors, et il est récompensé par des décharges d’enseignement et/ou par l’attribution de fonds de recherche.
Conclusions
Nous sommes pour la modulation individuelle des services. Toutefois, la logique préférable est, selon nous, celle de la validation des projets, non celle de la certification des personnes. La validation des projets doit pouvoir mettre en concurrence plusieurs instances d’évaluation parallèles et non hiérarchisées, non exclusives.
Nous sommes pour l’institution d’un pluralité d’agences d’évaluation – établies par exemple sur la base du jury de l’IUF, des directions scientifiques de la MSTP, et des sections du CNU (ou encore du Comité national du CNRS), tous relégitimés –, disposant chacune d’un budget permettant de financer des projets de recherche de plus ou moins longue durée (1 à 4 ans). Ces projets méritent à leurs auteurs des décharges d’enseignement qui sont compensées financièrement dans l’établissement d’origine, lequel a la liberté de renchérir, dans des limites fixées, sur la décharge recommandée et sur les fonds de recherche attribués par une agence extérieure autonome.
Nous souhaitons donc que le débat soit ouvert sur les propositions du président Belloc et que les difficultés de mise en œuvre de la modulation des services soient surmontées, car telle est la condition de l’excellence et de la diversité de la recherche dans les universités de France.
© Antoine.Compagnon@paris4.sorbonne.fr